Le sort ultime de l'entreprise Shermag, naguère fleuron de l'industrie du meuble au Québec, se décidera au cours des toutes prochaines semaines.

L'entreprise, qui est en protection de faillite depuis un an, a maintenant jusqu'à la mi-juillet pour obtenir des offres d'achat de la part d'investisseurs ou d'autres entreprises.

Mais à défaut d'offres satisfaisantes, aux yeux notamment de ses principaux créanciers, Shermag ferait face à une fin définitive par liquidation d'actifs.

«Nous recherchons d'abord des offres pour continuer d'exploiter l'entreprise», a indiqué André Hébert, syndic chez la firme RSM Richter.

«Mais si ces offres «d'opérateurs» s'avèrent trop faibles, des meilleures offres pourraient venir de liquidateurs, surtout s'ils ont déjà des acheteurs pour des actifs de Shermag, qui serait alors démantelée.»

RSM Richter se donne jusqu'au 10 juillet pour obtenir des offres, en tout en partie pour l'entreprise.

Elle aura ensuite jusqu'au 24 juillet pour conclure des ententes et les présenter pour approbation en Cour supérieure, qui supervise la protection de faillite de Shermag depuis le 5 mai 2008.

«Nous espérons pouvoir continuer comme entreprise, mais ça devra se faire avec un ou des propriétaires différents. Shermag est plus que jamais à la merci de ses principaux créanciers et des décisions du tribunal», a commenté Claude Pichette, président du conseil d'administration.

En particulier, le principal prêteur de Shermag, la société Geosam Investment, à qui elle doit «plus de 10 millions» selon le syndic, vient de lui signifier son intention de mettre fin à son appui financier.

Geosam avait pris la relève en août 2008 du banquier antérieur de Shermag, la firme américaine Wachovia, lorsque celle-ci a flanché au pire de la crise financière de l'an dernier. Fait particulier, Geosam est une société financière dirigée par l'investisseur George Armoyan, et dont une autre société - Clarke Inc. - est aussi le principal actionnaire de Shermag, à hauteur de 20%.

M. Armoyan avait d'ailleurs fait un passage très tumultueux au conseil d'administration de Shermag. Il s'en est retiré plus tôt ce printemps après l'échec d'un projet de restructuration de capital-actions de Shermag, refusé par la Cour supérieure parce qu'il aurait contrevenu à la loi québécoise des incorporations d'entreprises.

Mais hier, plutôt que de commenter cet épisode, Claude Pichette, vétéran de 20 ans au conseil d'administration de Shermag, avait un ton un peu nostalgique au cours de son entretien avec La Presse Affaires.

C'était peu après que la Cour supérieure eut encore prolongé la protection de faillite de Shermag, pour qu'elle fasse son ultime sollicitation d'offres d'achat. «Il y a encore des chances pour que Shermag puisse être reprise par des intérêts d'affaires québécois, pour pas cher. N'empêche, cette situation est paradoxale pour une entreprise qui, il y a quelques années à peine, avait une excellente prospérité au Canada et aux États-Unis, grâce notamment au libre-échange, a indiqué M. Pichette.

«Mais depuis trois ans, Shermag a subi une succession de grands malheurs: la montée des importations d'Asie à prix réduit, la poussée du dollar canadien qui a nui à ses revenus d'exportation, puis la crise financière et la récession aux États-Unis qui ont provoqué de nombreuses faillites parmi ses clients-détaillants.»

D'ailleurs, les actifs pour lesquels Shermag sollicite maintenant des offres ne représentent plus que l'ombre de son statut antérieur dans l'industrie du meuble. Shermag n'a plus qu'une seule filiale manufacturière, Jaymar, qui confectionne des sofas dans une usine de Terrebonne.

Ses autres activités résiduelles tournent autour de la distribution de meubles importés, d'Asie surtout. Son chiffre d'affaires annualisé voisinerait encore les 45 millions de dollars, selon M. Pichette.

À son apogée, il y a cinq ans, Shermag avait un chiffre d'affaires avoisinant les 230 millions, avec un profit net d'environ 16 millions et employait alors 2400 personnes. Ses actions ne cotaient plus qu'à 2,5 cents chacune le 30 avril dernier, lors de leur retrait par la Bourse de Toronto.