Avec son expérience des temps difficiles et ses modèles moins gourmands, Fiat pourrait être la solution aux problèmes de Chrysler mais certains analystes craignent que l'opération ne soit plus risquée que prévu pour l'italien.

Les deux constructeurs ont signé en janvier un accord préliminaire en vue de former une alliance par laquelle Fiat prendrait une part initiale de 35% de l'américain (avec une option pour monter à 55%) sans débourser un sou mais en échange de l'accès à sa technologie.

«L'opération que Sergio Marchionne», le patron de Fiat, «avait en tête est en train de changer un peu de direction. Le gouvernement américain demande un accord précis avant de donner l'argent» et devrait réclamer à Fiat «un engagement un peu plus fort», note Umberto Bertelè, président de l'Ecole de commerce de l'institut Politecnico de Milan.

Le groupe de travail sur l'automobile mis en place par le président américain Barack Obama a jugé lundi que le plus petit des «Big Three» de Detroit ne pouvait pas continuer seul et que son alliance avec le groupe de Turin «pourrait être le début d'un chemin vers la viabilité».

Tout en notant qu'il restait «de gros obstacles à surmonter» avant de parvenir d'ici trente jours à un accord définitif, condition sine qua non pour que l'Etat fédéral accorde une nouvelle aide à Chrysler.

«D'abord l'alliance et après, éventuellement, le renflouement», ce qui «implique plus de risques pour Fiat, qui prendrait une part dans un groupe dans un état financier pire que prévu», souligne un analyste italien de Mediobanca.

«Il faut être clair, vous ne pouvez pas avoir 35% de quelque chose qui peut valoir gros sans mettre un sou. Ce que Fiat dit c'est "Je veux bien prendre un ticket: si ça marche c'est pour moi, si ça ne marche pas, c'est pour toi, le contribuable américain"», ajoute un analyste parisien sous couvert de l'anonymat.

Par ailleurs, selon Emmanuel Bulle, analyste de l'agence de notation Fitch, la direction de Fiat a déjà fort à faire: «On est dans une période de crise et on a besoin de tout le monde sur le pont. Fiat a déjà ses propres difficultés pour ne pas en plus devoir se rajouter la gestion de Chrysler».

Ces craintes se reflétaient dans le titre Fiat, qui a fini la journée sur une chute de 9,35% à 4,7775 euros. Contacté par l'AFP, Fiat ne souhaitait pas faire de commentaire.

L'analyste de Fitch voit cependant dans l'alliance avec Chrysler une «décision stratégique très positive».

Fiat «n'injecte pas d'argent et si Chrysler ne repart pas, il peut se retirer. En revanche, l'opération lui permettra de récupérer une partie de l'amélioration de Chrysler à plus long terme», juge-t-il.

L'alliance permettra à Chrysler, dont les 4x4 et «pick-up» ne correspondent plus à la demande, d'avoir accès aux plate-formes, composants et moteurs de Fiat afin de lancer de nouveaux modèles plus petits et économes.

Ce qui représente un gain compris «entre 8 et 10 milliards de dollars, vu le coût nécessaire pour partir de zéro afin de développer» de nouvelles voitures, a souligné mi-mars le directeur général de Chrysler, Bob Nardelli.

Chrysler bénéficiera également de «l'expérience de la direction de Fiat qui qui a réussi à faire rebondir la société après une période très difficile», poursuit M. Bulle. Sergio Marchionne a pris la tête de l'entreprise au bord du gouffre en 2004.

Fiat, dont le patron prône une stratégie de rapprochements comme seule solution pour survivre à la crise, accédera pour sa part au marché américain.