La Chine a utilisé sa nouvelle loi antimonopole pour empêcher le rachat par l'américain Coca-Cola (KO) du leader du jus de fruits Huiyuan, qui aurait représenté la plus importante prise de contrôle d'une société chinoise par une compagnie étrangère.

Le ministère du Commerce a annoncé mercredi qu'il avait décidé de s'opposer à l'opération «en vertu de la loi antimonopole», jugeant que l'acquisition aurait «une influence défavorable sur la concurrence».Selon lui, les «consommateurs auraient dû accepter des prix plus élevés et un choix moindre de produits».

Implanté en Chine depuis trois décennies, le géant américain de la boisson non-alcoolisée voulait y accroître sa présence en s'offrant China Huiyuan Juice Group, qui revendique 40% du marché local du jus de fruits pur.

Il a fait une offre en septembre de 2,4 milliards de dollars US sur le groupe coté à Hong Kong, acceptée par les trois grands actionnaires de China Huiyuan Juice Group - Danone (22,98%), le fondateur Zhu Xinli (36%) et le fonds d'investissement américain Warburg Pincus (6,8%).

En raison de la taille des acteurs, le projet était néanmoins tributaire du feu vert des autorités et de son examen à la lumière de la loi antimonopole, tout juste entrée en vigueur en août 2008.

Pour Coca-Cola cela aurait constitué sa plus importante acquisition en Chine.

Pour aboutir, l'américain a vainement fait des concessions par rapport à ses ambitions : le ministère du Commerce a indiqué que «Kekou Kele» (Coca-Cola) avait procédé à des «révisions» mais que cela «n'avait pas suffi à réduire l'influence défavorable pour la concurrence».

Peut-être pour amadouer les autorités, Coca-Cola a aussi annoncé récemment des investissements en Chine de 2 milliards de dollars sur trois ans, en plus des 2,4 milliards prévus pour Huiyuan.

Pour leur part, les milieux d'affaires étrangers suivaient de près ce projet de rachat, estimant qu'un certain nationalisme économique avait empêché jusqu'à présent les acquisitions importantes de compagnies chinoises par des firmes étrangères.

«L'industrie du jus de fruits n'est pas un secteur sensible pour le gouvernement, mais celui-ci ne veut quand même pas voir une marque étrangère acquérir une marque chinoise importante», a commenté Renee Tai, analyste à Hong Kong de CIMB-GK Securities.

La Chambre de Commerce européenne en Chine a dit espérer que «les conclusions détaillées de l'enquête (antimonopole) et les décisions du rejet de l'offre seraient publiées prochainement», afin de mieux mesurer la décision.

La Chambre appelle régulièrement Beijing à davantage de transparence et avait exprimé ses réticences face à la loi antimonopole, au moment de son adoption, souhaitant, comme son homologue américaine, des «clarifications», notamment des procédures dans le processus d'examen des dossiers.

Cette loi impose en particulier une enquête de sécurité nationale lors de la fusion ou du rachat d'une entreprise chinoise par une entreprise étrangère.

«Tout en soutenant l'intention déclarée du ministère du Commerce de garantir un environnement ouvert et concurrentiel, la Chambre estime que ce but serait mieux servi si davantage d'investisseurs internationaux étaient accueillis sur le marché chinois, grâce à un assouplissement des restrictions, davantage de transparence et l'abaissement des barrières existantes, a souligné l'institution dans un communiqué.