Nouveau coup dur pour l'industrie pétrochimique de Montréal-Est. Après la fermeture de Pétromont il y a un an, l'usine de polymère PTT Poly Canada, ouverte depuis 2004 à peine, cesse elle aussi ses activités.

Cet arrêt de production entraînera la perte de 66 emplois et une radiation de plus de 100 millions de dollars dans les livres de la Société générale de financement du Québec, qui détient 49% du capital. La SGF a déjà perdu entre 100 et 125 millions dans la mésaventure de Pétromont l'an dernier.

 

La SGF pourrait aussi subir d'autres contrecoups indirects de cette fermeture. Car pour fabriquer ses polymères, PTT achetait des matières premières chez Interquisa Canada et Chimie ParaChem, deux coentreprises de Montréal-Est détenues à 49%... par la SGF.

«On s'attend effectivement à une perte du volume des ventes», a reconnu Marie-Claude Lemieux, porte-parole de la société d'État.

Selon la SGF, Interquisa devrait trouver assez facilement d'autres clients en Amérique du Nord pour sa production. Mais les perspectives sont plus sombres chez ParaChem. «On pourrait s'attendre à une perte de contrats dans les activités de maintenance ou autre chose, a dit Mme Lemieux. Il est trop tôt pour aller dans le détail, mais c'est sûr que ça va avoir un impact.»

PTT Poly Canada représentait «le dernier maillon» de la grappe industrielle des polymères mise en place à Montréal-Est au cours des dernières années, a expliqué la porte-parole. L'usine fabriquait des granules de polytriméthylène téréphtalate (le PTT), un polymère révolutionnaire utilisé pour confectionner des tapis et des tissus.

Or, le produit n'a jamais séduit en masse les clients. L'usine a toujours été déficitaire depuis sa mise en activité. Tous les ans, la SGF et Shell Chemicals Canada (qui détient 51% de la coentreprise) ont dû injecter des fonds pour maintenir PTT à flot.

La SGF sera forcée de radier plusieurs millions de dollars - soit les sommes injectées année après année - en plus de son investissement initial d'environ 100 millions. L'organisme refuse toutefois de divulguer l'ampleur exacte des pertes, en raison d'un accord de confidentialité signé avec Shell.

«Nos avocats nous ont dit qu'on ne pouvait pas, a dit Marie-Claude Lemieux. Ce sera ensuite au vérificateur général de voir ce qu'on divulguera ou pas dans nos résultats annuels.»

Une erreur?

PTT employait au départ une centaine de travailleurs, mais leur nombre a baissé au fil des ans en raison de la faible demande pour le produit. L'usine a d'ailleurs cessé sa production à plusieurs reprises entre les cycles de production. Elle est arrêtée depuis octobre dernier.

Les difficultés du secteur pétrochimique montréalais - excluant les raffineries - s'expliquent par une foule de facteurs et sont «exacerbées par la crise», a tenu à souligner Mme Lemieux. Les usines comme Pétromont et PTT sont loin des marchés qu'elles desservent et les matières premières sont chères, ce qui rend la production très coûteuse, a-t-elle affirmé.

De là à dire que la SGF a fait une erreur en investissant autant d'argent dans ce secteur, il y a un pas que la porte-parole refuse de franchir.

«Les marchés ont changé, le marché asiatique notamment, a dit Mme Lemieux. Et ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on a investi en coentreprise avec des experts du secteur: Dow Chemical pour Pétromont, Shell pour PTT. Ces compagnies-là ne sont pas plus intéressées que nous à perdre de l'argent. Les plans d'affaires, à l'époque, se tenaient, mais ce sont des industries changeantes.»

La SGF demeurera partenaire dans ses trois autres coentreprises pétrochimiques de l'est de Montréal: Chimie ParaChem (avec Petro-Canada), Interquisa Canada et Petresa Canada (avec l'espagnole Cepsa).

À Montréal-Est, le directeur général de la Ville, Louis Lemay, s'est dit surpris de la fermeture de PTT, hier. Il craint maintenant des impacts négatifs chez les fournisseurs ParaChem et Interquisa. «Je ne sais pas si ça va avoir des effets en chaîne. C'est une inquiétude qu'on a.»

L'usine ultramoderne de PTT, qui a coûté près de 200 millions, sera détruite si aucun acheteur n'est trouvé, a confirmé le directeur des installations, Giovanni Iadeluca, pendant un entretien.

Pierre Shedleur, président-directeur général de la SGF, n'a pas voulu accorder d'entrevue à La Presse Affaires hier, laissant à sa porte-parole la responsabilité de répondre aux questions des médias.