(Washington) Trentenaire bien insérée dans la vie professionnelle, Kate Packard s’est pourtant retrouvée désarçonnée par le jargon des investisseurs quand elle a souhaité faire fructifier ses revenus : elle a donc rejoint un groupe de femmes qui entend réduire le fossé entre les sexes dans la finance.  

Les conseillers en investissement, assure-t-elle, ont tendance à utiliser un ton condescendant et à se restreindre à des concepts simplistes face aux interlocutrices féminines.

« Ils vont dire des trucs du genre : les dollars sont verts et c’est du papier. Bon, merci, j’aurais trouvé ça toute seule », s’emporte la responsable en communication, originaire de Sterling, dans l’État de Virginie.  

Mme Packard, 38 ans, veut contribuer à combattre une réalité : les femmes ont proportionnellement nettement moins de chances d’investir dans les marchés que les hommes.  

En se fondant sur des études réalisées en 2016 et 2017, l’application spécialisée Acorns a conclu que 57 % des femmes n’investissaient jamais en Bourse, contre seulement 44 % des hommes.

Sur la durée d’une vie humaine, cela peut se traduire par des centaines de milliers de dollars de revenus perdus.  

Et la question de la confiance est clé. Selon Acorns, 61 % des femmes estiment avoir une mauvaise compréhension des mécanismes financiers, les hommes n’étant que 43 % à l’admettre.

« Pour une novice, c’est vraiment intimidant », confirme Pamela Sams, conseillère financière de Herndon, également en Virginie, qui organise régulièrement des réunions destinées aux femmes souhaitant mieux gérer leur patrimoine financier.

« Espace sûr » pour les femmes

Kate Packard décrit ainsi sa propre expérience d’investisseuse débutante : « Je tombe sur un mot que je ne connais pas, alors je cherche sa définition. Mais je tombe alors sur un autre mot que je ne comprends pas, puis je me retrouve soudain à avoir besoin de quatre définitions, c’est fatiguant et décourageant ».

« Je voulais me retrouver entre femmes », poursuit-elle.

Mme Sams a lancé son association en octobre 2018, offrant aux femmes un « espace sûr », ainsi qu’un forum en ligne où les membres peuvent poser des questions.  

Shari True, 53 ans, fait partie du groupe. Pendant longtemps, elle a trouvé normal de s’occuper des petites dépenses du foyer familial, son mari se chargeant des impôts et des placements financiers. Un secteur dominé par les hommes, relève-t-elle.

« Quand vous lisez la presse (spécialisée), elle est écrite par des hommes qui interviewent des hommes, pour des lecteurs masculins », insiste cette employée d’une société à but non lucratif.

Mme Packard abonde : « On ne voit pas de femmes dans ce secteur, donc on finit inconsciemment par se sentir exclue ».  

PHOTO JOHANNES EISELE, AFP

Des courtiers de Wall Street à l’œuvre.

« Meilleures investisseuses »

L’étude d’Acorns le confirme : seulement 27 % des femmes estiment avoir été bien préparées, par leur formation, à la gestion de leurs finances.

Sheila Handler, une analyste de données travaillant à Washington, se dit « excessivement prudente » en matière d’investissement du fait de son éducation.

« Mes parents ont essayé de m’inculquer le sens de l’argent et l’importance de l’économiser, mais on ne m’a jamais parlé de l’étape suivante », affirme Mme Handler, âgée de 24 ans.  

Les études montrent d’ailleurs que les femmes apparaissent plus réticentes que les hommes à s’engager dans des placements risqués, même si une autre étude, de la société Fidelity, a conclu que les femmes obtenaient une meilleure performance de 0,4 point de pourcentage en termes de résultats d’investissements.  

L’entreprise de conseil financier pour les femmes Ellevest a elle calculé que la réticence à placer son argent pouvait coûter cher : de 270 000 à plus d’un million de dollars sur une période de 35 ans, selon des projections fondées sur une moyenne des salaires.

D’où la multiplication de séminaires et d’associations qui veulent insuffler de la confiance aux femmes désireuses d’investir. « C’est crucial d’avoir quelqu’un en face de la table en qui vous avez confiance », résume Janet Cowell, qui dirige la société Girls Who Invest.