La Banque centrale américaine est «trop agressive», «en roue libre» et fait «une grosse erreur» en remontant les taux d'intérêt. Donald Trump s'est livré à une critique en règle de la Fed, qu'il accuse d'être responsable de la chute de Wall Street.

Le président a été piqué au vif par la lourde chute de la Bourse survenue mercredi - qui s'est poursuivie jeudi - d'autant plus qu'il a fait des records successifs battus par Wall Street depuis son élection, le baromètre du succès de sa politique économique.

En deux jours, le Dow Jones est redescendu à ses niveaux de fin juillet et le Nasdaq, qui concentre énormément de titres technologiques, à ceux de début mai.

Et à moins d'un mois des législatives de mi-mandat, une chute durable du prix des actions serait du plus mauvais effet pour le président et son parti républicain, qui ont fait de l'économie florissante leur principal argument de campagne.

Nombre d'Américains ont investi en Bourse, ne serait-ce que pour leur retraite, et toute chute des prix a un effet négatif sur le moral des ménages.

Contrairement à la tradition de réserve en public adoptée par la plupart de ses prédécesseurs, M. Trump n'hésite pas à tancer publiquement la Fed. «Ils resserrent tellement (les taux)! Je crois que la Fed est tombée sur la tête», a-t-il déploré mercredi soir.

Jeudi, il est revenu à la charge à plusieurs reprises. Tôt le matin lors de son émission matinale préférée, «Fox and Friends», il a souhaité «que la Fed soit moins agressive parce que je pense qu'ils font une grosse erreur».

Plus tard, c'est du cadre solennel du Bureau ovale, que le président est revenu à la charge.

«Je pense que la Fed est en roue libre. Je pense que ce qu'ils font est une erreur (...) elle est beaucoup trop stricte, c'est une erreur et ce n'est pas juste», a-t-il lancé aux journalistes.

La Banque centrale américaine a commencé à remonter progressivement les taux depuis fin 2015 après avoir alimenté pendant près d'une décennie l'économie américaine en argent pas cher pour relancer la machine après la crise financière de 2008. Et cette politique a marché. La première économie du monde connaît pour le moment une économie à la «Boucle d'or»: ni trop chaude, ni trop froide.

L'inflation est maîtrisée, la croissance est robuste et le chômage est au plus bas depuis près de 50 ans.

Mais l'institution présidée par Jerome Powell, nommé par Donald Trump, souhaite éviter la surchauffe tout en signalant très clairement ce qu'elle compte faire jusqu'à la fin de l'année prochaine pour n'effrayer personne: une hausse des taux en décembre et deux ou trois en 2019.

Grisaille à Wall Street 

Ce resserrement monétaire a provoqué une poussée des taux d'intérêt sur le marché des obligations du Trésor américain qui a commencé à effrayer certains investisseurs en actions.

Les marchés boursiers américains d'abord, et ensuite dans le monde entier, ont affiché de fortes baisses mercredi et jeudi, les investisseurs craignant que la fin de la longue période d'argent facile ne pèse sur les coûts d'emprunt des entreprises et donc sur leurs résultats.

Les chocs potentiels de la guerre commerciale avec la Chine ont aussi eu leur part dans ce recul mais M. Trump, qui l'a déclenchée, n'en fait pas mention.

Toujours sensible au commerce et à tout ce qui peut y nuire, le milliardaire a également souligné que le dollar était «devenu très fort», ce qui «rend un peu difficile de faire des affaires».

«Un dollar fort n'est pas entièrement une bonne chose», a-t-il souligné. Il rend les produits américains à l'exportation plus chers et donc moins compétitifs et les importations sont plus attrayantes.

Le déficit commercial des États-Unis, que le président voit presque comme une attaque contre sa personne, risque de se creuser encore.

Indépendance 

Le principal conseiller économique du président, Larry Kudlow est monté au créneau pour assurer que les sorties peu orthodoxes du président ne remettaient aucunement en cause l'indépendance sacro-sainte de la banque centrale.

«Nous savons que la Fed est indépendante», a souligné M. Kudlow sur la chaîne CNBC, affirmant que M. Trump «ne dicte pas sa politique à la Fed».

«Ce qui s'est passé hier (mercredi), de mon point de vue, est une correction normale dans un marché haussier», a-t-il ajouté, parce que «l'Amérique déchire».

Quant au président, interrogé sur le sort qu'il comptait réserver au président de la Fed: «Je ne vais pas le virer», a-t-il lâché. Une opération qui serait de toute façon difficile et politiquement très coûteuse.