Inflation sous contrôle, confiance des ménages au sommet, consommation en hausse: en cascade, les indicateurs sont au vert pour l'économie américaine, mais les Cassandre commencent à donner de la voix, craignant une récession à un horizon pas si lointain.

La dernière salve d'indicateurs économiques vendredi a encore une fois témoigné de l'insolente santé de l'économie des États-Unis stimulée par la relance budgétaire du président Donald Trump.

À plus de 100 points, la confiance des ménages, mesurée par le baromètre de l'Université du Michigan, a atteint en septembre un sommet pour la troisième fois depuis 2004.

Les Américains consomment toujours davantage (entre +0,3 % et +0,5 % chaque mois depuis le printemps) et leurs revenus augmentent, même si c'est dans une moindre mesure.

L'inflation ne semble pas montrer le bout de son nez pour troubler la fête et grever les revenus des ménages.

L'indice des prix basé sur les dépenses de consommation (PCE) a même décéléré à 2,2 % le mois dernier et stagne à 2 %, hors prix volatils de l'alimentation et de l'énergie. La Banque centrale (Fed) vient aussi d'abaisser sa prévision d'inflation à moyen terme, à 2,1 % cette année et 2 % l'année prochaine.

La croissance de la première économie mondiale a grimpé à 4,2 % au deuxième trimestre, la plus forte allure depuis quatre ans. Et le troisième trimestre qui s'achève -- même s'il ne devrait pas être aussi bon --, promet d'être solide (entre 3 % et 3,5 %).

Ce qui fait dire au ministre des Finances de Donald Trump, Steven Mnuchin, qu'« on ne peut être plus optimiste sur la croissance économique pour les années à venir ». Il a encore assuré jeudi qu'une expansion supérieure à 3 % est soutenable dans les années à venir.

Gare aux sommets boursiers

Mais pour d'éminents économistes, ces bonnes nouvelles doublées de l'envolée du marché boursier pourraient signifier que l'économie des États-Unis a atteint un pic et s'achemine vers une récession d'ici un an, ou en 2020.

Le prix Nobel d'économie américain Edmund Phelps a affirmé jeudi au quotidien autrichien Die Presse que l'économie américaine s'exposait à une récession « dans les six à douze mois ». Selon lui, la forte expansion de la première économie mondiale, artificiellement alimentée par les réductions d'impôts et la hausse des dépenses budgétaires, présente les caractéristiques de « celles qui précèdent habituellement une récession ».

Dans une tribune au Wall Street Journal vendredi, Martin Feldstein estime aussi qu'« un autre ralentissement long et grave » se profile.

Il dresse un parallèle entre le fort niveau des marchés boursiers américains actuellement et la bulle immobilière d'avant la crise de 2008.

Ces gonflements des prix des actifs ont tous deux leur origine dans les taux d'intérêt de la Fed qui sont restés bas pendant de longues années, écrit-il.

Avec un rendement d'à peine 3 %, les bons du Trésor à 10 ans ne rapportent quasiment rien si l'on tient compte de l'inflation, ce qui a porté les investisseurs à chercher de bien meilleurs rapports à la Bourse.

« Le risque principal désormais est qu'un ralentissement du marché boursier ne réduise suffisamment la consommation pour provoquer une récession », s'inquiète M. Feldstein.

Sans compter que la hausse en cours des taux d'intérêt de la Fed va contribuer au changement de direction. La Banque centrale a en effet mercredi relevé son taux directeur pour la troisième fois cette année et la huitième depuis fin 2015. À 2,25 %, il est au plus haut depuis dix ans et devrait grimper à 3,4 % en 2020, selon les prévisions de la Fed.

Fragilisant la situation en cas de ralentissement, le gonflement de la dette et du déficit budgétaire qui va atteindre près de 1000 milliards de dollars dès octobre, laisse peu d'espace fiscal pour soutenir l'économie si besoin est.

À cela, il faut ajouter l'inconnue de la guerre des tarifs douaniers, qui peut ébranler la confiance et faire grimper les prix à l'importation.

L'économiste dresse un scénario qui fait froid dans le dos: il évoque un simple retour du ratio cours/bénéfice des entreprises de l'indice élargi S&P 500 à sa moyenne historique, soit 40 % en dessous de son niveau actuel. Cela effacerait d'un coup 10 000 milliards de dollars de richesse. C'est davantage que les 6000 milliards de dollars qui se sont évaporés avec l'éclatement de la bulle immobilière de 2008, prévient-il.

Jerome Powell, le président de la Fed, interrogé mercredi sur les sommets du marché boursier et s'il y voyait un nouvel épisode d»exubérance irrationnelle », pour reprendre les mots de son prédécesseur Alan Greenspan, a seulement reconnu que « certaines évaluations se situaient dans la fourchette supérieure de leurs valeurs historiques ».

« Je ne voudrais pas spéculer sur les conséquences d'une correction du marché boursier (..) mais cela pourrait certainement affecter la consommation et avoir un effet négatif sur l'économie », a-t-il admis.