Donald Trump a imposé jeudi des taxes sur les importations d'acier et d'aluminium aux États-Unis, ignorant les mises en garde répétées de nombre de ses alliés, Union européenne en tête, sur les risques d'une guerre commerciale aux conséquences imprévisibles.

Après plusieurs jours d'intenses spéculations, le président américain a signé, depuis la Maison-Blanche, les deux documents controversés qui marquent un net virage protectionniste, 13 mois après son arrivée au pouvoir.

«Je tiens une promesse que j'ai faite en campagne et que j'ai faite pendant une grande partie de ma vie», a lancé M. Trump, assurant que les États-Unis avaient, pendant des décennies, été victimes de pratiques commerciales qu'il a assimilées à une «agression».

Cette décision intervient le jour même où onze pays des deux rives du Pacifique ont ressuscité, au Chili, l'accord de libre-échange transpacifique (TPP), donné pour mort il y a un an après le retrait des États-Unis.

Ces taxes, de 25 % sur les importations d'acier et de 10 % sur celles d'aluminium, entreront en vigueur dans 15 jours.

Le Canada, premier partenaire commercial et premier fournisseur d'acier des États-Unis, en sera cependant exempté «pour le moment», de même que le Mexique. Le sort qui sera réservé à ces deux pays frontaliers des États-Unis sur le moyen terme dépendra en particulier de l'issue des négociations en cours sur l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

«Si nous trouvons un accord, il n'y aura pas de taxes sur le Canada et le Mexique», a martelé le président septuagénaire, disant sa conviction que les âpres discussions en cours pourraient aboutir.

«Beaucoup de flexibilité»

La Maison-Blanche a précisé que tous les pays concernés pourraient entamer des discussions avec les États-Unis pour négocier, eux aussi, une éventuelle exemption. «Nous allons faire preuve de beaucoup de flexibilité», a assuré M. Trump, en présence d'une dizaine de travailleurs du secteur, casque à la main.

L'annonce de la mise en place de droits de douane a suscité une véritable fronde au sein même du camp républicain où nombre d'élus ne partagent pas l'avis du magnat de l'immobilier selon lequel les guerres commerciales sont «bonnes et faciles à gagner».

Son principal conseiller économique, Gary Cohn, a démissionné mardi en raison de son opposition à de telles mesures.

Quelques minutes après la cérémonie de signature, le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a fait part en termes très clairs de sa désapprobation. «Je suis en désaccord avec cette décision et j'en crains les conséquences imprévues», a-t-il lancé.

Le locataire de la Maison-Blanche s'est appuyé sur une procédure rarement invoquée de la législation commerciale américaine: l'article 232 qui s'appuie sur des arguments liés à la défense nationale pour limiter l'importation de produits et de biens aux États-Unis.

Cet article 232 a notamment été utilisé dans les années 1970 lors de la crise pétrolière et plus récemment en 2001 également dans le cas de l'acier.

Évoquant à la fois les questions commerciales et de défense, il avait pointé du doigt l'Allemagne. «Nous avons des amis et aussi des ennemis qui ont énormément profité de nous depuis des années sur le commerce et la défense (...) Si on regarde l'OTAN, l'Allemagne paie 1 % et nous payons 4,2 % d'un PIB beaucoup plus important. Ce n'est pas juste».

«Mauvais remède»

Cette annonce devrait provoquer une vive réaction de l'Union européenne qui martèle depuis plusieurs jours qu'une guerre de tranchées serait nuisible à tous et a dit préparer des mesures de rétorsion.

Les Européens exportent environ 5 milliards d'euros d'acier et 1 milliard d'euros d'aluminium chaque année vers les États-Unis.

Bien avant la promulgation de ces taxes, l'UE avait préparé une riposte. La commissaire au Commerce extérieur Cecilia Malmström a ainsi détaillé une liste de produits américains qui pourraient être taxés, dont le fameux beurre de cacahuète, pour compenser en valeur le dommage causé à l'industrie européenne.

Jeudi, le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi est à son tour monté au créneau, redoutant que l'escalade de mesures protectionnistes compromette la croissance.

Du côté des autres partenaires commerciaux, Pékin a indiqué jeudi qu'il adopterait une «réponse appropriée et nécessaire» face à d'éventuelles sanctions commerciales américaines.

«Dans notre époque mondialisée, ceux qui recourent à la guerre commerciale choisissent le mauvais remède, ils ne feront que pénaliser les autres tout en se pénalisant eux-mêmes», a affirmé le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi.

Les principaux pays fournisseurs d'acier et d'aluminium des États-Unis

FOURNISSEURS D'ACIER:

• Canada: 15,6% représentant 5,2 milliards de dollars américains

• Brésil: 9,1% (3 milliards)

• Corée du Sud: 8,3% (2,8 milliards)

• Russie: 8% (2,7 milliards)

• Mexique: 7,1% (2,4 milliards)

• Japon: 4,8% (1,6 milliards)

• Allemagne: 4,6% (1,5 milliards)

• Turquie: 3,7% (1,2 milliards)

• Taïwan: 3,7% (1,2 milliards)

• Afrique du Sud: 2,9% (982 millions)

La Chine, cible de l'administration Trump, arrive en 11e position avec 2,7% (900,57 millions USD).

FOURNISSEURS D'ALUMINIUM:

• Canada: 40% (7 milliards)

• Chine: 9,7% (1,7 milliards)

• Russie: 9,1% (1,6 milliards)

• Emirats Arabes Unis: 8,0% (1,4 milliards)

• Bahrein: 3,5% (602 millions)

• Argentine: 3,2% (547 millions)

• Allemagne: 2,3% (392 millions)

• Inde: 2,1% (371 millions)

• Australie: 2,1% (362 millions)

• Afrique du Sud: 2,0% (340 millions)