En 70 ans d'existence, le FMI est devenu familier des crises financières et des plans d'aide internationaux, mais il doit désormais faire face à un nouveau défi: une administration américaine a priori opposée à ses vues.

Les sujets de dissensions ne manquent pas entre la Maison-Blanche et cette institution de 189 pays qui tient son assemblée de printemps cette semaine à Washington.

La présidence Trump promet de démanteler les garde-fous mis en place aux États-Unis après la crise de 2008 ? Le Fonds monétaire international assure qu'une telle dérégulation «augmenterait la probabilité» d'une future tempête financière.

Le FMI met en garde contre l'impact économique du changement climatique ? Les États-Unis en nient la réalité, veulent relancer leur industrie du charbon et menacent de se retirer de l'accord de Paris sur la réduction des émissions polluantes.

L'allègement de l'impôt sur les bénéfices promis par le président pourrait créer de nouvelles frictions: le FMI a suggéré mercredi que cette réforme pourrait inciter les entreprises à prendre des risques inconsidérés en utilisant un afflux de liquidités pour mener des OPA et augmenter la rémunération de leurs actionnaires ou de leurs dirigeants.

C'est toutefois sur la question explosive du commerce international que le potentiel de tensions entre le FMI et son principal actionnaire est le plus élevé.

Depuis plusieurs mois, pendant la campagne présidentielle américaine jusqu'à aujourd'hui, le FMI n'a cessé de mettre en garde contre le «repli sur soi» économique, les restrictions aux migrations ou le spectre d'une «guerre commerciale», tout en défendant le multilatéralisme.

Antagonisme

Difficile de ne pas voir une mise en cause implicite de l'agenda de M. Trump qui menace d'élever des barrières douanières et de restreindre l'immigration, dénonce le libre-échange défendu par l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et vient de prendre un décret pour favoriser l'achat de biens américains dans les projets publics.

Malgré ces critiques voilées, le FMI a pour l'heure échappé à la vindicte du président américain, mais pas à celle de son secrétaire au Commerce. «À chaque fois que nous faisons quelque chose pour nous défendre (...) ils appellent cela du protectionnisme. Ce sont des foutaises», a tonné Wilbur Ross dans un entretien au Financial Times.

Les États-Unis exhortent, de leur côté, le FMI à en faire davantage pour s'attaquer aux déséquilibres commerciaux sur le globe, en ciblant en particulier l'Allemagne ou la Chine.

«Très clairement, certains au sein de l'administration Trump ont exprimé un immense scepticisme vis-à-vis du multilatéralisme et si leur ligne prévaut, les institutions comme le FMI vont souffrir», affirme à l'AFP Douglas Rediker, un ancien représentant américain au Fonds.

Cet antagonisme tranche avec la relative harmonie des années Obama pendant lesquelles le FMI trouvait une oreille bienveillante à la Maison-Blanche lorsqu'il appelait à une hausse du salaire minimum américain ou à donner davantage de voix aux pays émergents.

«Il y aura des tensions mais le poids des États-Unis (...) ne doit pas empêcher le FMI d'être direct et franc dans son évaluation des mesures américaines», affirme à l'AFP Nathan Sheets, ancien sous-secrétaire au Trésor.

Pour l'heure, le FMI maintient son message anti-protectionniste mais joue également l'apaisement en saluant le plan d'investissements promis par Donald Trump et son engagement à réduire l'impôt sur les sociétés aux États-Unis.

«Incertitudes considérables»

«Le pari sur une relance budgétaire et une réforme fiscale a libéré l'optimisme», a relevé la patronne du FMI, Christine Lagarde, dans un entretien paru mardi.

Juste avant l'entrée en fonction du nouveau président américain, son institution avait d'ailleurs nettement relevé ses prévisions de croissance américaine (2,3% en 2017) et les a maintenues mardi dans son nouveau rapport, en dépit «d'incertitudes» considérables.

Le FMI est en réalité contraint à un délicat exercice d'équilibriste: affirmer son indépendance sans s'aliéner son puissant contributeur.

Les États-Unis n'ont certes pas les moyens légaux de couper les vivres du FMI, mais ils peuvent lui rendre la vie difficile et freiner notamment la mutation d'une institution qui cherche à s'ouvrir aux questions sociales et environnementales et à donner plus de poids à la Chine ou à la Russie.

L'épineux cas grec pourrait également en pâtir. Le FMI est sommé par les Européens de participer au plan d'aide en cours avec Athènes mais devra convaincre les États-Unis du bien-fondé d'un nouveau renflouement.

«L'administration sera plus réticente à soutenir l'utilisation de ressources du FMI en Grèce», prédit M. Sheets.