La hausse de Wall Street depuis son élection donne à Donald Trump au moins une occasion de se réjouir, mais des analystes mettent en garde contre le risque de bulle financière à moyen terme.

Avec son administration en pleine crise, le nouveau président a tweeté jeudi que «la Bourse atteint de nouveaux records avec la plus forte progression depuis des décennies. Grand niveau de confiance et d'optimisme, même avant l'annonce du plan de réforme fiscale!».

Il a ensuite dénoncé la couverture des médias lors de brèves déclarations à la Maison-Blanche: «Je ne vois jamais aucune information sur la Bourse qui bat des records tous les jours», a-t-il. «Les médias qui mentent n'aiment pas parler d'économie».

L'indice vedette de Wall Street Dow Jones Industrial Average (DJIA) a progressé de plus de 15% depuis le début novembre, franchissant successivement la barre des 19 000 puis des 20 000 points pour s'approcher actuellement des 21 000 points.

Pourtant, «cela n'a pas été une très grande semaine pour le nouveau président, entre la démission de (son conseiller à la sécurité nationale Michael) Flynn, et l'annulation de son décret sur l'immigration», rappelle Nicholas Colas, chef stratégiste chez Convergex. «Mais comme les actions continuent de grimper, il semble clair que les investisseurs perçoivent ces écueils comme temporaires plutôt que témoignant d'un dysfonctionnement général. L'agenda économique du nouveau président sera appliqué comme prévu», affirme-t-il.

C'est cet agenda, fait de dérégulation, de réforme fiscale et de relance budgétaire, qui plait aux marchés. Il a suffi la semaine dernière que Donald Trump promette une réforme fiscale «phénoménale», sans livrer davantage de précisions, pour que la Bourse décolle.

Depuis son élection, aucune détail concret n'a filtré sur ce qui va être annoncé. Les modalités du programme de grands travaux de remise en état des infrastructures ou de la réforme de l'impôt sur les sociétés, restent encore floues.

En recevant des dirigeants du secteur du commerce de détail mercredi, Donald Trump a évoqué la «grande confiance» placée dans l'économie et s'est félicité de la force des créations d'emplois en janvier.

Pourtant le même Trump, lorsqu'il n'était que candidat, n'hésitait pas à remettre en question ces statistiques sur l'emploi, affirmant que le taux de chômage atteignait en réalité 40%, alors qu'il n'est officiellement que d'environ 5% depuis plusieurs mois.

S'il se réjouit aujourd'hui de la santé de Wall Street, il avertissait en septembre lors d'un débat face à son adversaire Hillary Clinton des risques de bulle financière alors que le Dow Jones n'était que juste au-dessus des 18 000 points.

Dollar fort

«Les attentes de retour sur investissement sur les marchés semblent ne plus avoir de rapport avec la réalité», prévient Steven Ricchiuto, chef économiste pour les États unis chez Mizuho dans une note jeudi, même s'il n'écarte pas une poursuite de la hausse cette année.

Interrogée par les parlementaires mercredi sur le fait de savoir pourquoi le marché boursier affichait une telle forme, Janet Yellen, présidente de la Banque centrale (Fed), s'est gardée de citer nommément «l'effet Trump» mais a estimé «que les acteurs sur les marchés anticipent des changements dans la politique budgétaire capables de stimuler la croissance et peut-être de doper les bénéfices, à travers peut-être des réductions d'impôts».

Elle a jugé que la remontée visible des taux obligataires à long terme et le renforcement du dollar correspondaient aussi «aux attentes d'une politique budgétaire expansionniste».

Une accélération de la croissance pourrait aussi se traduire par des hausses plus rapides des taux de la Fed qui renchériraient le taux du crédit et de la dette des ménages.

Le renforcement du dollar pourrait aussi se révéler une arme à double tranchant pour l'administration Trump et ses velléités de protectionnisme. Il renchérit les exportations et fait baisser le prix des importations alors que le nouveau président veut engager une politique du «made in America» et que son parti républicain étudie une taxe à la frontière pour encourager les exportateurs et décourager les importateurs.

Le président semble lui-même s'en inquiéter. Le Huffington Post affirmait récemment qu'il avait appelé au milieu de la nuit Michael Flynn, avant sa démission, pour lui demander si un dollar fort était bon ou mauvais pour l'économie. M. Flynn, qui n'en était lui-même pas très sûr, lui avait conseillé d'appeler plutôt ses conseillers économiques...