Les menaces du président désigné américain Donald Trump de taxer lourdement des importations de Chine pour préserver les emplois aux États-Unis pourraient paradoxalement affecter le Midwest américain, ravagé par la mondialisation.

« Ma crainte est que la Chine contre-attaque », confie à l'AFP David Shogren, patron d'International Foods, une PME qui vend depuis cinq ans à des supermarchés chinois des produits alimentaires américains, du beurre d'arachide aux en-cas en passant par des céréales, de la moutarde et des sodas.

Le marché chinois représente désormais environ la moitié du chiffre d'affaires de son entreprise contre moins de 5 % pour les États-Unis.

Basée à St Louis (Missouri), International Foods est au coeur de la fameuse « Rustbelt » (la ceinture de rouille) qui comprend les états ouvriers et ruraux du Wisconsin, du Minnesota, de l'Ohio et du Michigan, anciens bastions démocrates ayant voté pour Donald Trump le 8 novembre. Mais elle aurait tout à perdre d'une guerre commerciale entre Washington et Pékin.

« Nos clients vont probablement se tourner vers nos concurrents européens, australiens, néo-zélandais et japonais », argumente M. Shogren.

Il a donc pris les devants et a commencé à explorer d'autres marchés : Vietnam, Cambodge, Malaisie, Singapour et Philippines.

« Notre activité est basée sur l'établissement de relations avec nos clients sur plusieurs années. Remplacer nos clients chinois du jour au lendemain va probablement prendre plusieurs années », craint-il.

M. Trump a menacé pendant la campagne électorale d'imposer des droits de douane prohibitifs de 45 % sur les importations chinoises et d'inscrire la Chine sur la liste des manipulateurs de devises ce qui ouvrirait la porte à des sanctions commerciales.

Le journal chinois Global Times, proche du pouvoir, a prévenu en novembre que si le président désigné mettait ses menaces à exécution une « série des commandes Boeing va être remplacée par des Airbus. Les ventes d'iPhone et de voitures américaines vont essuyer le contrecoup en Chine, les importations du soja et de maïs américains seront suspendues ».

Boeing et GM affectés

Les entreprises américaines anticipent déjà des hausses de coûts. C'est le cas de Progressive Molding Technologies qui se fournit en Chine pour fabriquer ses objets en plastique injecté.

« Ma crainte est qu'en perdant l'accès au marché à bas prix chinois nous n'allons plus être à même de rivaliser avec nos concurrents. On peut anticiper que nos clients vont ralentir le rythme de leurs lancements de produits, donc nous aurons moins de croissance, ce qui signifie moins d'embauches et moins d'investissements », explique à l'AFP Laird Daubenspeck, le président de l'entreprise basée à Medina dans l'Ohio.

Progressive va toutefois continuer à acheter chinois car, même avec des taxes douanières prohibitives, ce sera, selon M. Daubenspeck, « 10 % moins cher comparé aux États-Unis ».

Les prix des sous-traitants chinois sont 55 % moins chers que les américains, affirme le chef d'entreprise, qui a écrit par deux fois à Donald Trump et s'est improvisé juriste pour expliquer les subtilités de la politique américaine à ses partenaires chinois.

Plus gros exportateur américain avec près de 70 % de son chiffre d'affaires engrangé à l'étranger, Boeing, dernière cible en date de M. Trump, affirme que sur les 495 exemplaires du programme 737 livrés en 2015, un sur trois était destiné aux Chinois, alors que 90 % des 150 000 employés de l'avionneur sont aux États-Unis.

Si Ford est la bête noire de M. Trump, c'est General Motors (GM) qui aurait le plus à perdre d'une guerre douanière sino-américaine.

Non seulement la Chine est le pays où GM vend le plus de voitures - 2,38 millions d'unités sur les huit premiers mois de l'année contre 1,96 million aux États-Unis - le groupe automobile est également devenu le premier constructeur américain à importer cet été une voiture fabriquée en Chine, la Buick Envision. GM envisage d'importer un second modèle en début d'année 2017, la Cadillac CT6 hybride.

Refusant de commenter les « spéculations », un porte-parole fait remarquer que la PDG Mary Barra fait partie du forum stratégique de 16 grands patrons censés conseiller M. Trump.