Les deux principaux accords commerciaux avec l'Europe et l'Asie, ardemment défendus par le président américain Barack Obama, risquent de ne jamais entrer en vigueur, victimes de calculs électoraux aux États-Unis et sur le Vieux Continent, mais aussi d'une administration en bout de course.

Aucun de ces projets de traités de libre-échange, l'un transpacifique (TPP) entre les États-Unis et onze pays d'Asie-Pacifique, l'autre transatlantique entre les États-Unis et l'Union européenne (TTIP ou Tafta) n'est mort, mais les experts affirment que les obstacles pour les conclure d'ici la fin du mandat de Barack Obama le 20 janvier sont quasi insurmontables.

Les deux candidats à la présidentielle américaine du 8 novembre Hillary Clinton et Donald Trump ont déjà exprimé leur opposition au TPP, qui est pourtant déjà négocié et n'attend plus que sa ratification par le Congrès.

Quant au TTIP, les négociations bloquent sur plusieurs questions et des dirigeants européens qui seront eux aussi confrontés aux urnes l'an prochain ont affirmé leur opposition.

Les discussions «ne pourront pas aboutir à un accord d'ici la fin de l'année», a déclaré mardi le président français François Hollande après que son secrétaire d'État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, eut indiqué que Paris allait demander «l'arrêt» des négociations, jugées trop favorables à Washington.

En Allemagne, le vice-chancelier et ministre de l'Économie Sigmar Gabriel a estimé dimanche que les négociations avaient «de facto échoué».

Impasse jusqu'en 2018?

Bien que les négociateurs aient aussitôt assuré que les discussions continuaient voire progressaient, les experts à l'inverse les voient dans l'impasse jusqu'à 2018 au moins.

«Le délai imparti est épuisé», explique Gary Hufbauer, expert en commerce international au Peterson Institute for International Economics à Washington. «Je suis davantage dans le camp de ceux qui croient que l'accord est "plus mort que vif"», a-t-il déclaré à AFP.

Bien qu'il n'ait jamais été un grand partisan du libre-échange avant son élection en 2008, Barack Obama a depuis fortement soutenu ces «accords commerciaux du 21e siècle».

Ces traités iront bien au-delà des précédents accords commerciaux, en établissant, outre une réduction des droits de douane, des règles pour les données commerciales, les investissements, les droits d'auteur, et d'autres questions qui n'étaient pas couvertes par les précédents accords.

Il était prévu que ces deux accords soient négociés en secret puis présentés aux gouvernements et aux parlements respectifs pour être validés.

Les 12 pays concernés par le TPP ont conclu un accord en octobre 2015.

Mais avec des opposants qui ne cessent de dire que cet accord va supprimer des emplois américains, le TPP est devenu une question brûlante des élections présidentielle et législative américaines.

Mauvaise période

Le TTIP a moins fait les gros titres pendant la campagne présidentielle mais de récentes déclarations cette semaine en Europe montrent qu'il pourrait figurer en bonne place des scrutins prévus en France et en Allemagne l'an prochain.

«Les élections ne sont jamais des bonnes périodes pour les accords commerciaux», souligne M. Hufbauer.

De plus, comparées à celles du TPP, les discussions du TTIP ont été précipitées avant de subir un coup d'arrêt en juin avec le référendum sur le départ du Royaume-Uni de l'UE, qui ôterait un partenaire-clé des États-Unis de cet accord.

«Cela ne sera jamais facile entre les États-Unis et l'UE parce que vous avez deux éléphants (du commerce mondial) qui négocient entre eux», explique Frances Burwell de l'Atlantic Council.

M. Obama pourrait pourtant faire avancer ces accords avant de quitter la Maison-Blanche.

Il pourrait d'abord présenter le TPP au Congrès pour ratification après le 8 novembre et avant qu'un nouveau Congrès n'entre en fonction début janvier, quand la pression politique sera moins forte.

Mais il y a «environ 1% de chance» pour que ce vote ait lieu, selon Daniel Ikenson, expert en commerce au Cato Institute, car le parti républicain est profondément divisé sur la question.

Le président américain pourrait aussi pousser son négociateur en chef, Michael Froman, à terminer les négociations du TTIP avant son départ. Mais les États-Unis devraient alors faire beaucoup de compromis, au risque de léguer une tempête politique au nouveau président.

La conclusion de ces accords risque donc de revenir au prochain président. Certes «les candidats tendent à être plus populistes et moins favorables au libre-échange. Mais une fois présidents ils voient la lumière» et finissent par le soutenir, soutient M. Ikenson.