Une inflation introuvable, une croissance qui marque le pas, un dollar fort porté par les largesses monétaires des banques centrales à l'étranger: difficile pour la Réserve fédérale américaine (Fed) de justifier une hausse des taux d'intérêt lors de sa réunion mercredi.

« Personne n'attend rien de la prochaine réunion du Comité monétaire de la Fed (FOMC) en termes de mouvements sur les taux », résume pour l'AFP l'économiste indépendant Joel Naroff, qui assure que les taux directeurs resteront proches de zéro comme ils le sont depuis fin 2008.

Le Comité monétaire de la banque centrale rendra son verdict à 14 h mercredi après une réunion de deux jours qui ne donnera pas lieu cette fois-ci à une conférence de presse de sa présidente, Janet Yellen.

« Les chances d'une hausse surprise des taux sont quasi-nulles », confirme Paul Ashworth de Capital Economics.

Depuis la dernière réunion en septembre où la Fed, inquiète du ralentissement chinois et des turbulences financières, avait choisi de prolonger le statu quo monétaire, « la croissance de l'emploi s'est affaiblie, de même que les données économiques », explique cet économiste.

Le gouvernement américain doit publier jeudi, au lendemain de la réunion du Comité, sa première estimation du produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre qui devrait montrer un ralentissement de l'expansion. Capital Economics mise sur une croissance de 1,5 % après 3,9 % au deuxième trimestre.

Sur le plan intérieur également, l'impasse avec le Congrès sur le relèvement du plafond de la dette du pays ne plaide guère pour une prise de risque immédiate de la part de la Fed.

Divisions au sein du FOMC 

Depuis quelques semaines, les responsables de la banque centrale se sont montrés divisés sur la nécessité de commencer à normaliser la politique monétaire.

« Ils ont envoyé des signaux tellement contradictoires que c'en est devenu une source de confusion pour les marchés », a jugé mercredi un ancien membre du FOMC, Richard Fisher.

Janet Yellen et son numéro deux Stanley Fischer continuent de prévoir un relèvement des taux directeurs « avant la fin de l'année » au vu du redressement du marché de l'emploi. À 5,1 %, le taux de chômage est au plus bas depuis sept ans.

D'un autre côté, deux poids lourds du Comité, les gouverneurs Daniel Tarullo et Lael Brainard, ont fait entendre leurs doutes et prôné davantage de patience. Ils craignent que les faibles prix de l'énergie, la hausse du dollar (+15 % sur un an) et le ralentissement à l'étranger, notamment en Chine, n'empêchent l'inflation de remonter vers l'objectif de 2 %, jugé sain pour l'économie.

À cela s'ajoutent les divergences entre grandes banques centrales. La Banque centrale européenne (BCE) n'exclut désormais pas une nouvelle dose de soutien monétaire pour lutter contre la menace de déflation, ce qui fait glisser l'euro par rapport au dollar. Quant à la Chine, sa nouvelle baisse surprise des taux vendredi fait craindre que le ralentissement de la deuxième économie mondiale ne soit plus prononcé que prévu.

« Si les politiques monétaires plus agressives de la Chine et de l'Europe créent la potentialité d'un dollar plus fort, cela veut-il dire que les choix de la Fed vont être dictés par les banques centrales étrangères? », s'interroge Joel Naroff.

« Est-ce le niveau du dollar qui va faire la loi? », poursuit cet économiste qui pense qu'il y a encore une chance sur trois pour qu'une hausse des taux américains intervienne en décembre.

Deux rapports sur l'emploi sont en effet attendus avant la dernière réunion monétaire de l'année et ils pourraient être dynamiques et montrer une hausse des salaires. Après tout, les demandes hebdomadaires d'allocations chômage sont au plus bas depuis 40 ans.

Mais de nombreux experts misent sur un relèvement des taux en mars seulement, lors de la première réunion du Comité qui sera assortie d'une conférence de presse. « Vont-ils prendre le risque d'attendre trois mois avant de faire un geste? », se demande toutefois Joel Naroff.

« Il faut vraiment qu'ils soient plus clairs dans leur communication [dans leur communiqué mercredi, NDLR] sur l'importance qu'ils portent à l'inflation, à la croissance mondiale et aux marchés émergents », conclut-il.