La violente correction sur les marchés financiers mondiaux place la Banque centrale américaine (Fed) face à un dilemme: relever ses taux face à la bonne santé de l'économie américaine ou reporter ce resserrement pour ne pas ajouter de l'huile sur le feu.

Il y a encore quelques semaines une majorité d'économistes tablaient sur un relèvement des taux d'intérêt par la Fed à la réunion du Comité monétaire des 16 et 17 septembre.

Aujourd'hui, selon une enquête de la National Association for Business Economics publiée lundi, ils ne sont plus que 37% à croire à un tour de vis sur les taux dès la rentrée. Et encore... l'enquête a interrogé ces 331 économistes entre le 27 juillet et le 4 août, avant la dévaluation chinoise du 11 août qui semble avoir donné le coup d'envoi de la correction des marchés financiers.

Hormis l'inflation américaine trop apathique au goût de la Fed, tout pointait pour que les membres de la Réserve fédérale initient en septembre leur première hausse des taux en presque une décennie. Ceux-ci sont maintenus proches de zéro depuis fin 2008 pour soutenir la reprise après la crise financière.

Le taux de chômage aux États-Unis est au plus bas depuis sept ans à 5,3% et la croissance, après les ratés de l'hiver, semblait avoir atteint un rythme de croisière à 2,3% en rythme annuel au 2e trimestre, une estimation qui pourrait même être révisée en hausse à 3,1% cette semaine, selon les analystes.

Mais le ralentissement de l'économie chinoise --la deuxième du monde après les États-Unis--, la dévaluation du yuan il y a deux semaines et la chute des marchés financiers dans le sillage des bourses asiatiques a brutalement changé la donne.

Le Fonds Monétaire International (FMI) a été l'un des premiers à sentir le vent tourner début juin, enjoignant la Fed de retarder son relèvement des taux à 2016.

Le FMI citait les risques de désinflation et craignait surtout qu'une hausse des taux américains ne rende le dollar encore plus attrayant, drainant les flux de capitaux hors des marchés émergents et renforçant davantage l'appréciation du billet vert.

Le marché obligataire a d'ailleurs montré la tendance, les investisseurs se réfugiant vers les bons du Trésor, faisant tomber leur rendement à mesure que la demande augmente. Ainsi le rendement sur les obligations du Trésor à cinq ans a glissé de 1,6% la semaine dernière à 1,3% lundi matin.

Ces «développements internationaux», comme les appelle pudiquement la Fed dans ses rapports, avaient déjà entamé la confiance des membres du Comité monétaire de la banque centrale lors de leur dernière réunion de juillet.

«Le ralentissement de l'activité économique chinoise pourrait poser des risques pour les perspectives économiques aux États-Unis», ont ainsi souligné certains d'entre eux, lors des minutes de cette réunion publiées la semaine dernière.

Hausse improbable ?

«Avec ce plongeon des marchés financiers, je pense qu'il est improbable que la Fed relève ses taux en septembre», a indiqué à l'AFP, Stephen Oliner, expert à l'American Enterprise Institute (AEI). Les autres réunions de la Fed cette année sont prévues fin octobre et mi-décembre.

Cet économiste, qui a passé 25 ans à la Réserve fédérale, ne croit plus qu'en 20% de chances pour une hausse des taux le mois prochain alors que la semaine dernière encore il pensait que les chances étaient à 50/50.

Pour Lawrence Summers, l'ancien secrétaire au Trésor, relever les taux dans un futur proche serait tout simplement «une grave erreur», signe-t-il dans une tribune dans le Washington Post lundi.

«Cela menacerait les trois objectifs majeurs de la Fed: la stabilité des prix, le plein emploi et l'équilibre financier», a ajouté celui qui a été candidat à la présidence de la Réserve fédérale.

Les membres de la Fed, habituellement peu avares de discours un mois avant une réunion du Comité monétaire, restaient muets ces jours-ci. Tous les yeux seront donc braqués sur la conférence annuelle des banquiers centraux de Jackson Hole dans le Wyoming le week-end prochain où le numéro deux de la Fed, Stanley Fischer, doit prendre la parole.