Le FMI a pris à revers la banque centrale américaine (Fed) en lui conseillant de ne pas relever ses taux avant 2016 en l'absence de signes d'inflation et alors que le dollar grève l'économie des États-Unis.

Dans son examen annuel de l'économie américaine publié jeudi, le Fonds estime qu'une hausse des taux, qui serait la première en presque neuf ans, ne devrait intervenir qu'au premier semestre 2016.

Ce jugement va à l'encontre de ce qu'estiment la majorité du Comité monétaire de la banque centrale américaine et sa présidente elle-même, Janet Yellen qui visent un relèvement des taux dès cette année. La majorité des économistes américains s'attendent à une hausse en septembre.

Selon le FMI, la Fed devrait au contraire attendre davantage «de signes tangibles d'augmentation des salaires et des prix» avant d'entamer une normalisation de sa politique monétaire.

La banque centrale américaine vise un objectif d'inflation de 2% mais le FMI ne voit celle-ci parvenir à ce niveau qu'au milieu de 2017. La hausse des prix n'est que de 0,3% sur un an actuellement. Le FMI a toutefois légèrement relevé ses projections sur l'inflation à 0,7% en 2015 au lieu de 0,4% précédemment.

«Retarder une hausse des taux apporterait une précieuse assurance contre des risques de désinflation», estime le Fonds qui juge qu'il faudrait «conserver les taux d'intérêt sur les fonds fédéraux entre 0 et 0,25% jusque pendant la première moitié de 2016». Ils sont à ce niveau depuis fin 2008.

Relever les taux trop vite pourrait «provoquer un resserrement des conditions financières plus vif que prévu ou bien causer un accès d'instabilité financière faisant caler l'économie», avertit encore l'institution.

Cela représente un risque plus grand que celui d'attendre trop longtemps et d'assister à une vive remontée de l'inflation, affirme le FMI qui estime en effet «improbable, une soudaine accélération des prix et des salaires».

Prévisions de croissance abaissées 

À cause de la mauvaise performance de la croissance des États-Unis au 1er trimestre (-0,7%), le FMI a révisé en baisse ses projections d'expansion de l'économie américaine à 2,5% en 2015 et 3% en 2016. Il y a moins de deux mois, sa prévision était de 3,1% pour les deux ans.

Cette projection est supérieure à celle de l'OCDE qui, mercredi, a elle aussi, drastiquement abaissé sa prévision de la croissance américaine à 2% en 2015 et 2,8% en 2016.

L'activité de janvier à mars a «déraillé» sous l'effet du mauvais temps, d'une vive contraction des investissements des industries pétrolières mais aussi d'une longue grève portuaire et surtout de l'appréciation du dollar.

Ces facteurs représentent «un frein temporaire» à la croissance, assure le FMI.

Selon lui, la récente appréciation du dollar au cours des 12 derniers mois rend le billet vert «modérément surévalué» mais qu'il y a risque pour une nouvelle appréciation qui serait «néfaste».

Évoquant la stabilité financière, le FMI identifie l'apparition «de poches» de risques, vu la course au rendement provoquée par les taux bas. Il mentionne le secteur de l'assurance et le manque de liquidités dans les investissements sur les produits à taux fixes.

Mais pour le Fonds cela ne devrait pas encourager la Fed à choisir d'agir sur les taux «pour diminuer ces risques» d'instabilité financière.

Quel que soit le calendrier, ce relèvement tant «préparé et télégraphié» des taux d'intérêt ne se fera pas sans provoquer «une volatilité importante», avertit le FMI.

Il invite d'ailleurs la Fed à améliorer sa communication en tenant désormais une conférence de presse après chaque réunion de politique monétaire au lieu d'une fois sur deux actuellement.

D'une rare franchise, ces conseils de la part de l'institution monétaire aux États-Unis ne devraient pas manquer de susciter des réactions.

L'année dernière, lorsque le FMI avait fortement invité la BCE à assouplir sa politique monétaire --ce qu'elle a fini par faire--, son président Mario Draghi avait rétorqué: «Le FMI a été récemment extrêmement généreux dans ses suggestions sur ce que nous devrions faire ou ne pas faire».

«Nous en sommes franchement reconnaissants mais les points de vue du conseil des gouverneurs sont différents», avait lancé le patron de la Banque centrale européenne.