«Ce gouvernement déclare une guerre inconditionnelle à la pauvreté en Amérique»: 50 ans après le fameux discours du président Lyndon B. Johnson, des progrès ont été enregistrés mais les inégalités restent criantes au sein de la première économie mondiale.

«Nous ne devrions pas nous reposer tant que cette guerre ne sera pas gagnée», avait promis le 8 janvier 1964 M. Johnson, dans son premier discours sur l'état de l'Union, après avoir été investi président des États-Unis le jour de l'assassinat de John F. Kennedy, le 22 novembre 1963.

Le taux de pauvreté a sensiblement diminué depuis un demi-siècle, passant de 26% de la population en 1964 à 16% aujourd'hui, grâce en particulier aux divers programmes d'aide alimentaire ou crédits d'impôts, relève le Center on Budget and Policy Priorities (CBPP). Selon le Bureau du recensement --qui ne prend pas en compte certaines aides-- aussi, ce taux a baissé de 19% à 15%.

Pour autant, la pauvreté est loin d'avoir été éradiquée.

En 2012, elle touchait quelque 47 millions d'Américains, dont 13 millions d'enfants, selon le Bureau du recensement, ce qui reste «un chiffre très élevé», souligne James P. Ziliak, économiste et directeur du Centre de recherche sur la pauvreté de l'université du Kentucky.

«Certaines batailles ont été gagnées», comme celle contre la malnutrition extrême, ou ont fait l'objet de «victoires partielles», comme celle pour l'assurance-maladie des plus démunis (Medicaid) ou des personnes âgées (Medicare), reconnaît M. Ziliak. Mais «si nous n'avions pas ces filets de protection, le taux de pauvreté doublerait», explique-t-il à l'AFP.

Quel que soit le critère retenu, la pauvreté a notablement diminué chez les personnes âgées, une des priorités du président Johnson, car elles sont plus nombreuses à bénéficier d'une retraite.

Un enfant sur cinq vit dans la pauvreté

La pauvreté chez les enfants a aussi baissé depuis le discours de M. Johnson.  Mais un enfant sur cinq aux États-Unis vit toujours dans la pauvreté. Plus d'un enfant sur cinq à New York vit dans une famille qui n'a pas assez à manger, relevait fin novembre la Coalition contre la faim.

Vingt-cinq grandes villes américaines ont aussi rapporté que les demandes d'aide alimentaire ou le nombre de sans-abri avaient progressé depuis un an, accusant la lenteur de la reprise.

Pendant la récession de 2009-2011, près d'un Américain sur trois a connu la pauvreté pendant au moins deux mois, selon une étude du Bureau du recensement publiée mardi.

Quant au fossé entre riches et pauvres, il suit une évolution «dangereuse», selon les termes de l'actuel président, Barack Obama: «les 10% des plus riches n'obtiennent plus seulement un tiers de nos revenus. Ils en obtiennent la moitié», a-t-il rappelé début décembre, dans un nouveau plaidoyer contre les inégalités.

Le nouveau maire de New York, Bill de Blasio, a été, lui, élu en novembre pour «mettre fin aux inégalités» dans la ville qui compte le plus de milliardaires au monde, mais dont 21% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Dans son discours de janvier 1964, le président Johnson formulait aussi le voeu d'abolir «toutes les discriminations raciales». Or un demi-siècle plus tard, «un large fossé» économique demeure entre foyers blancs et noirs, selon le CBPP.

La situation reste enfin fragile, car les élus divergent sur les solutions. Républicains et démocrates peinent à s'entendre sur le niveau des aides alimentaires du programme Snap - les bons alimentaires ou «food stamps» -, privant déjà des familles de plusieurs repas mensuels.

La refonte de certains programmes d'aide en 1996 avait entraîné une progression de «l'extrême pauvreté», selon une étude de l'université du Michigan publiée en mai.

Dépenser plus d'argent est une «solution partielle», selon Ron Haskins, du centre de réflexion Brookings. Pour «une guerre efficace» contre la pauvreté, il faut s'atteler, selon lui, à trois facteurs: l'éducation, car il est «difficile d'échapper à la pauvreté sans une bonne formation», l'emploi, car l'absence de travail «est le chemin le plus sûr vers la pauvreté», et la famille, car les enfants nés dans des foyers monoparentaux ont «cinq fois plus de risques de devenir pauvres» que les autres.