L'économie des États-Unis a créé bien plus d'emplois que prévu en octobre malgré la paralysie budgétaire dans le pays, relançant le débat sur une éventuelle réduction de l'aide de la Banque centrale américaine (Fed) dès décembre.

Les créations d'emplois aux États-Unis ont atteint le chiffre de 204 000 en octobre, soit deux fois plus que ne le prévoyaient les analystes, selon le rapport publié vendredi par le ministère du Travail.

Les embauches pour les mois d'août et septembre ont en outre été révisées en hausse de 60 000.

Pourtant, le taux de chômage est remonté de 0,1 point à 7,3%, retrouvant son niveau du mois d'août, précise le ministère.

Parmi les chômeurs, 448 000 de plus qu'en septembre ont indiqué qu'ils étaient «au chômage temporaire», un chiffre incluant les fonctionnaires mis au chômage technique pendant la fermeture partielle de l'administration durant la première quinzaine d'octobre -- due aux désaccords au Congrès sur le budget.

Les fortes créations d'emplois «sont entièrement dues» à la hausse des embauches du secteur privé, a souligné Jason Furman, le président du Cercle des conseillers économiques de la Maison-Blanche dans un communiqué.

«Le rapport sur l'emploi révèle deux facettes de l'histoire: d'une part l'enquête fiable (auprès des entreprises) qui montre de fortes créations d'emplois, et d'autre part l'enquête auprès des ménages qui montre une hausse du taux de chômage», a-t-il rappelé.

Selon le ministère du Travail, «on ne discerne pas d'impact de la fermeture partielle du gouvernement sur les estimations de l'emploi».

«Dynamisme fondamental»

«On fait confiance à ces données», résumait Michael Gapen, analyste pour Barclays Research. «On s'attendait à des nouvelles embauches plus faibles en pensant que le secteur privé serait affecté par la fermeture du gouvernement, mais le rapport suggère que la paralysie de l'administration a été suffisamment courte pour préserver les emplois», ajoute-t-il.

Les créations nettes d'emplois en octobre sont intervenues dans les secteurs des loisirs, de l'hôtellerie et des restaurants (+53 000), de la distribution (+44 000), des services professionnels et techniques (+21 000).

Dans une moindre mesure, les nouvelles embauches ont aussi concerné le secteur manufacturier (+19 000) et les services de santé (+15 000).

«Les entreprises américaines n'ont pas fait cas de la fermeture du gouvernement et ont accéléré les embauches montrant un dynamisme fondamental de l'économie plus fort que nous ne le pensions», reconnaît Sal Guatieri, économiste chez BMO Capital Markets Economics.

Ces bons chiffres de créations d'emplois font remonter la moyenne mensuelle des nouvelles embauches sur un an à 190 000, note le ministère.

«Cela va être assez pour faire tomber le taux de chômage de façon marquée. Je ne serais pas surpris qu'à la fin de l'année on ait un taux de 7,1% et même sous les 7% au printemps», estime pour sa part l'économiste indépendant Joel Naroff.

Cela suffit à relancer la question du calendrier de la réduction de la politique ultra-accommodante de la Fed.

«Ajouté à la croissance du produit intérieur brut (PIB) plus forte que prévu pour le troisième trimestre (2,8% en rythme annualisé), la Fed a maintenant les données en main pour justifier une première réduction de son aide lors de sa réunion de décembre», affirme Paul Ashworth, économiste en chef pour les États-Unis pour Capital Economics.

La Fed n'a cessé de prolonger ces derniers mois ses injections de liquidités dans le circuit financier, à hauteur de 85 milliards de dollars par mois, en attendant des signes fermes d'une reprise durable.

Toutefois, pour Chris Williamson, du cabinet d'analyses économiques Markit, qui croit encore à une réduction de l'aide de la Banque centrale en mars seulement, «la Fed devra attendre quelque temps jusqu'à ce que la santé de l'économie se soit affermie au premier trimestre, avant de prendre une décision».

La Fed disposera d'un autre rapport sur l'emploi avant la prochaine réunion de son Comité de politique monétaire (FOMC) le 18 décembre. «C'est clair: encore un autre rapport comme ça et les chances d'une réduction des achats d'actifs dès cette réunion augmenteront», indique Ian Shepherdson, de Pantheon Macroeconomics.

Obama: «indubitable» que la paralysie budgétaire a handicapé l'emploi

Le président Barack Obama a affirmé vendredi que la paralysie budgétaire de début octobre avait étranglé le marché de l'emploi aux États-Unis, malgré la publication de chiffres meilleurs que prévu.

«Nous avons appris hier que lors de l'été, notre économie avait crû à un rythme sans précédent en un an», a remarqué M. Obama lors d'une intervention sur le port de La Nouvelle-Orléans où il était venu vanter en particulier les investissements dans les infrastructures publiques.

M. Obama s'est toutefois plaint que «certains à Washington aient décidé de fermer les services gouvernementaux», allusion à la paralysie des administrations fédérales pendant les 16 premiers jours d'octobre, résultat de l'incapacité du Congrès à s'accorder sur un budget.

«On dirait qu'à chaque fois que l'économie est sur le point de décoller, quelqu'un appuie sur les freins», a-t-il remarqué.

«Nos entreprises sont solides. Nos employés formidables, et nous avons gagné quelque 200 000 nouveaux postes le mois dernier. Mais il est indubitable que la paralysie budgétaire a fait des dégâts», a-t-il assuré, en soulignant la hausse du taux de chômage en octobre, à 7,3% (+0,1 point).

«Nous ne sommes pas obligés de nous tirer une telle balle dans le pied», a prévenu M. Obama, en appelant à «investir chez nous», en particulier dans les infrastructures. Il a aussi rappelé son souhait de parvenir à un accord budgétaire et à une réforme de l'immigration.

Il s'agit d'autant de dossiers sur lesquels il s'est heurté jusqu'ici à l'hostilité de ses adversaires républicains, majoritaires à la Chambre des représentants et donc maîtres des cordons de la bourse de l'État.