L'économie mondiale n'a pas grand-chose à craindre d'une paralysie temporaire de l'État fédéral américain, mais vit sous la menace grandissante d'un défaut de paiement après le 17 octobre en l'absence d'accord politique entre républicains et démocrates.

Mardi matin, les marchés financiers asiatiques et européens ont réagi avec flegme à l'annonce, largement anticipée, de la fermeture provisoire des services de l'État américain, survenue à minuit.

«Il semble que les marchés ne sont pas particulièrement tracassés par l'incapacité à éviter une fermeture de l'État fédéral, ou ne sont pas particulièrement surpris», selon les analystes d'Alpari.

L'impact sur le produit intérieur brut (PIB) de la première économie mondiale, et donc de l'ensemble du globe, bien que réel, reste pour l'instant limité.

«Le 'shutdown' va évidemment être coûteux pour la croissance interne en terme de perte de demande», concèdent certes les analystes de Rabobank.

Mais ce coût «dépend essentiellement de la durée» de la paralysie de l'administration fédérale, note le chef économiste d'UniCrédit pour les États-Unis, Harm Bandholz.

Toute durée «supérieure à 5 jours aura probablement un impact matériel sur la croissance du quatrième trimestre», estiment ceux de Forex.com, évoquant une hausse du déficit et un impact sur la confiance des acteurs économiques.

Selon les analystes d'Alpari, «un 'shutdown' de trois semaines, similaire à celui vécu il y a 17 ans, pourrait retrancher 0,5% au PIB du trimestre».

Pour ceux de Moody's Analytics, trois ou quatre semaines d'immobilisme coûteraient 1,4 point de pourcentage sur le PIB réel du quatrième trimestre.

«Nous sommes dans une reprise fragile (de l'économie mondiale), avec deux moteurs, les États-Unis et la Chine, qui sont hésitants». «Les deux peuvent à tout moment basculer» et cela aurait des conséquences pour le reste de la planète, rappelle Frédérik Ducrozet, économiste pour Crédit Agricole CIB.

«L'économie américaine a fait de grandes enjambées (...) mais la reprise est terne et l'économie est encore loin du plein emploi», rappelait fin septembre Mark Zandi, chef économiste de Moody's Analytics.

L'échéance du 17 octobre

Les tensions actuelles ne sont qu'un amuse-bouche comparé au vrai danger, celui d'une impasse sur le relèvement légal du plafond de la dette, qui, en l'absence d'une accord entre républicains et démocrates, risque d'avoir des conséquences beaucoup plus larges.

«Les investisseurs restent surtout focalisés sur les négociations autour du relèvement du plafond de la dette avant le 17 octobre», estiment les analystes d'Aurel BGC.

«Un échec peut avoir des conséquences sérieuses» pour l'image financière des États-Unis dans le monde, selon Rabobank.

«Si le plafond de la dette n'était pas relevé d'ici la mi-octobre (...) les États-Unis pourraient ne pas être en mesure de faire face à toutes leurs obligations», a rappelé mardi l'agence de notation Standard & Poor's, ce qui entraînerait mécaniquement la sanction: une infamante note de «SD» (Selective Default), contre un AA+ actuellement.

Si une entreprise américaine «vit aujourd'hui avec l'idée d'un défaut prochain, ce n'est pas un bon environnement pour prendre des décisions d'investissement». Or «tout le monde attend que la demande interne reparte» pour considérer que l'économie américaine est réellement sur de bons rails, rappelle M. Ducrozet.

Mais la fermeture temporaire de l'administration américaine peut aussi faire des heureux parmi les pays émergents, tels que le Brésil, la Russie, la Turquie, etc.

Ces derniers sont malmenés par les marchés depuis plusieurs mois à cause de la fin attendue des mesures de soutien à l'économie américaine décidée par la Réserve fédérale, motivée par les signes de reprise économique aux États-Unis.

Ces mesures non conventionnelles avaient dans un premier temps provoqué un afflux de capitaux sur les marchés émergents. Et la perspective de leur fin a provoqué un reflux qui a entraîné des baisses sensibles de la valeur des devises de ces pays et des turbulences sur leurs marchés boursiers.

«Un 'shutdown' accroît les chances d'un report à l'année prochaine» de la fin des mesures de soutien de la Fed. C'est donc «une bonne nouvelle pour les marchés émergents», relèvent les analystes de Forex, pointant la hausse de la roupie indienne mardi.

M. Ducrozet s'inquiète aussi d'une forme de «complaisance du marché», qui réagit comme s'il était persuadé qu'à la fin, les politiciens américains vont tomber d'accord. «Quand on est dans un scénario où tout semble écrit, c'est là que les choses peuvent déraper».