L'impasse budgétaire américaine s'est prolongée vendredi avec le vote d'un projet de budget controversé par la Chambre des représentants auquel Barack Obama a promis d'opposer son veto, à onze jours seulement de l'expiration des financements de l'État fédéral.

Pagaille, prise d'otage: les invectives fusaient vendredi de la part des démocrates, qui contrôlent la Maison-Blanche et le Sénat, mais pas la Chambre, où les républicains ont adopté vendredi un budget «bouche-trou» finançant l'État fédéral au-delà du 1er octobre, début de l'exercice budgétaire 2014, et jusqu'au 15 décembre, afin d'éviter une fermeture partielle des agences fédérales.

Mais sous pression d'un groupe inflexible de représentants affiliés au Tea Party, le projet contient un article explosif supprimant les crédits de la réforme phare du système de santé de Barack Obama, votée en 2010, et dont un pan majeur doit s'appliquer à partir du 1er octobre.

Le président a promis son veto. Le Sénat, à qui le projet de la Chambre a été envoyé vendredi, a assuré que ce texte était mort-né. Mais les républicains ont persisté dans leur déclaration de principe face à une loi qu'ils contestent depuis 2009, et qu'une légère majorité d'Américains voient désormais de façon défavorable.

«Les Américains ne veulent pas que l'État s'arrête, et ils ne veulent pas d'Obamacare», a déclaré John Boehner, président de la Chambre, en utilisant le surnom de la réforme (Obama et «health care», «santé» en français). «Partout dans le pays, des entreprises n'embauchent pas à cause de l'impact de cette loi».

Pour les démocrates, la posture idéologique de leurs adversaires menace la stabilité de l'économie américaine. «Les tentatives républicaines de prendre une loi entière en otage simplement pour apaiser les anarchistes du Tea Party sont scandaleuses, irresponsables et futiles», a dit le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid.

Le Sénat devrait amender le projet de budget temporaire de la Chambre d'ici la semaine prochaine, de façon à s'assurer que dès le 1er octobre, comme prévu, les millions d'Américains sans couverture maladie puissent commencer à s'inscrire sur un site internet pour bénéficier d'une assurance subventionnée, à partir de 2014.

Si les deux versions n'étaient pas harmonisées avant le 1er octobre, des centaines de milliers de fonctionnaires non-essentiels (parcs naturels, centres de recherche, services administratifs...) pourraient être renvoyés sans paie chez eux.

Obama: «Nous ne sommes pas des mauvais payeurs»

Barack Obama, lors d'un discours offensif vendredi dans une usine automobile Ford dans le Missouri, a aussi exhorté ses adversaires républicains à relever le plafond légal de la dette avant l'échéance de la mi-octobre, quand les États-Unis risquent de se retrouver en situation de défaut de paiement.

«Nous sommes les États-Unis. Nous ne sommes pas une république bananière, nous ne sommes pas un pays de mauvais payeurs. Nous ne nous enfuyons pas en laissant l'addition», s'est-il écrié, en mettant en garde contre un choc qui ferait partir «en vrille» une économie toujours convalescente cinq ans après la crise financière.

La confrontation est un énième épisode de la lutte qui paralyse Washington depuis que les républicains ont repris le contrôle de la Chambre, en novembre 2010. Aucun budget n'a été adopté en bonne et due forme depuis 2009. A l'été 2011, un affrontement sur le relèvement de la limite légale de la dette avait failli provoquer le premier défaut de paiement de l'histoire des États-Unis.

La bataille illustre aussi la fracture idéologique au sein du parti républicain, entre des dirigeants jugés plus enclins à la négociation, et une aile droite intransigeante, focalisée sur la réduction du rôle de l'État dans l'économie et qui estime avoir remporté une première manche.

«Vous vous souvenez de Charlie Sheen, quand il est un peu devenu fou l'an dernier en répétant partout: je gagne, je gagne?», a lancé le sénateur républicain Rand Paul jeudi, lors d'un rassemblement de «libertaires» à Chantilly, près de Washington. «Je me sens un peu comme lui. On est en train de gagner. Et je n'ai pas pris de drogue».

Nul ne s'aventurait à prédire un éventuel dénouement. «On n'a vraiment aucune idée, aucune, de la façon dont cela va se dérouler», confiait jeudi un collaborateur républicain de la Chambre.

Une autre échéance importante guette les États-Unis à la mi-octobre, quand le Trésor aura atteint le «plafond» légal de la dette et se trouvera incapable d'honorer les paiements fédéraux, un risque de défaut de paiement aux conséquences potentiellement «très graves pour les marchés financiers et l'économie», selon le président de la Banque centrale américaine, Ben Bernanke.

Pas des «mauvais payeurs», dit Obama

Le président Barack Obama a rejeté vendredi l'idée de voir les États-Unis être considérés comme de «mauvais payeurs», et exhorté ses adversaires républicains à relever le plafond légal de la dette.

A onze jours d'une première échéance budgétaire au Congrès, M. Obama, lors d'un discours au ton offensif dans une usine automobile Ford à Liberty (Missouri, centre), a critiqué «le comble de l'irresponsabilité» que constituerait selon lui le refus des élus de procéder à ce vote, et a rejeté toute concession sur la réforme de l'assurance-maladie visée par les conservateurs.

Si aucun budget n'est approuvé d'ici au 30 septembre, le gouvernement fédéral devra fermer ses services non essentiels et des centaines de milliers de fonctionnaires seront mis d'office au chômage.