Lawrence Summers, économiste réputé qui vient de retirer sa candidature à la présidence de la Réserve fédérale américaine (Fed) dimanche, est un proche des arcanes du pouvoir comme de Wall Street dont on vante l'exceptionnelle intelligence mais dont on juge aussi le caractère cassant.

M. Summers, qui aura 59 ans à la fin novembre, a été secrétaire au Trésor américain sous le président démocrate Bill Clinton, succédant à son mentor Robert Rubin de 1999 à 2001, et aussi le principal conseiller économique du président Barack Obama jusqu'en 2009.

A ce titre, il avait gagné la confiance du président américain en étant le père de la relance budgétaire pour aider l'économie à passer le cap de la plus grande récession depuis la crise de 1929.

«Larry conseillait à Obama d'user d'un maximum de force sur tous les fronts», se souvient l'ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche Rham Emanuel, qui souligne que Lawrence Summers a été au coeur «de la mise en musique» de la stabilisation des banques et de la restructuration de l'industrie automobile.

Entre temps, Larry Summers a rejoint, en tant que président de 2001 à 2006, l'université d'Harvard où il avait acquis son doctorat en économie en 1982 après avoir étudié au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et dont il a ensuite été le plus jeune professeur à l'âge de 28 ans.

Il a dû en 2006 quitter ce poste de président après des polémiques avec d'autres professeurs et une allocution maladroite où ce fan de mathématiques affirmait que les femmes étaient sans doute, par nature, moins douées pour cette discipline.

Larry Summers a commencé son ascension en tant qu'économiste en chef de la Banque mondiale de 1991 à 1993, après un bref passage au sein du Cercle des conseillers économiques du président Ronald Reagan (1982-1983).

Lorsqu'il était au Trésor, on lui reproche notamment d'avoir été un champion de la dérégulation qui aurait créée le lit de la crise financière de 2008. Sous la présidence Clinton, il a en effet appuyé l'abrogation de la loi des années 30 Glass-Steagall, qui dressait une barrière entre les banques d'affaires et les banques de dépôt, et qui connaît actuellement un regain d'intérêt chez certains élus du Congrès.

Il s'est aussi vigoureusement opposé au milieu des années 90 --dans le sillage du tout puissant président de la Fed à l'époque Alan Greenspan--, à la règlementation des produits dérivés, une question encore d'actualité.

Récemment il s'était montré peu convaincu de l'efficacité économique des injections de liquidités exceptionnelles de la Fed dans le circuit financier pour soutenir la reprise économique. Mais il a plusieurs fois plaidé pour moins d'austérité budgétaire, alors que les républicains au Congrès et la Maison Blanche s'opposent sur le relèvement du plafond de la dette de l'État.

«Gouverner de façon responsable, c'est reconnaître quand l'économie est faible (...) que la politique budgétaire peut avoir un impact important sur l'activité. Dans ces circonstances, tenter de réduire rapidement le déficit peut se retourner contre vous», écrivait récemment M. Summers dans le Financial Times.

Ses détracteurs pour leur part s'interrogaient sur le fait de savoir comment sa cassante franchise allait s'accommoder du fonctionnement collégial de la Fed et de son comité de politique monétaire (FOMC) qui compte 19 membres.

Sa collaboration, généreusement rémunérée, à partir de 2006 en tant que consultant auprès de grandes banques comme Citigroup et de fonds d'investissement comme D.E Shaw, promettait aussi d'être au centre de son audition de confirmation au Congrès s'il avait été choisi.

«J'applaudis le fait que M. Summers ait retiré son nom. A la vérité, il était improbable qu'il fût confirmé par le Sénat», a affirmé dimanche le sénateur indépendant Bernie Sanders dans un communiqué.

Né à New Haven dans le Connecticut d'une famille d'économistes --ses deux parents ont enseigné à Yale et deux de ses oncles ont été prix Nobel d'économie--, Larry Summers, père de trois enfants dont deux jumelles et un fils, a épousé en deuxièmes noces une professeur d'anglais d'Harvard.

Peu avant ses 30 ans, il a été diagnostiqué de la maladie d'Hodgkin, un cancer du sang, dont il est sorti guéri après plusieurs mois de chimiothérapie.