À l'aube d'une énième négociation entre démocrates et républicains pour trouver un compromis budgétaire, les exportateurs québécois ne se font pas d'illusions. «C'est un budget mort-né», dit Simon Prévost, président de Manufacturiers et exportateurs du Québec, à propos du budget proposé hier par le président des États-Unis, Barack Obama.

Les exportateurs québécois aiment toutefois l'idée du président Obama de continuer la relance du secteur manufacturier et d'investir 166 milliards US sur 10 ans dans les infrastructures, dont 104 milliards en infrastructures de transport. De l'argent frais qui - si le budget est adopté par le Congrès - pourrait profiter aux entreprises québécoises comme Bombardier et Canam qui ont des usines aux États-Unis, mais aussi aux autres sous-traitants établis au Québec.

«Quand le secteur manufacturier américain va bien, c'est bon pour l'économie québécoise, car les chaînes d'approvisionnement sont de plus en plus intégrées en Amérique du Nord. Les entreprises manufacturières américaines font travailler beaucoup de fournisseurs au Canada. Nous avons besoin d'une économie américaine qui crée des emplois», dit le président de Manufacturiers et exportateurs du Québec, un organisme qui représente environ la moitié du secteur manufacturier québécois (300 entreprises, 250 000 travailleurs).

Détail important au Québec: le nouveau programme d'infrastructures comportera-t-il une clause «Buy American»? «On s'en était sauvés en négociant une clause dans le plan de relance de l'administration Obama en 2009», rappelle Francis Généreux, économiste au Mouvement Desjardins.

La proposition de budget du président Obama pour l'année financière 2014 prévoit des coupes supplémentaires de 100 milliards dans le budget de la défense. Plusieurs entreprises québécoises, dont CAE, Héroux-Devtek et CMC Électronique, ont des contrats avec la défense américaine.

L'administration Obama veut toutefois augmenter les budgets consacrés aux technologies de l'information. Une bonne nouvelle pour CGI, pour qui le gouvernement fédéral américain représente 28% de ses revenus.

Si Barack Obama propose des coupes budgétaires, c'est pour réduire éventuellement son déficit, estimé à 973 milliards en 2013 et 744 milliards en 2014.

«Si le gouvernement américain réduit ses dépenses, ça veut donc dire que les fournisseurs américains et canadiens seront touchés à court terme, dit Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat du Québec. En même temps, à long terme, nous avons tout intérêt à ce que notre principal partenaire économique soit en bonne santé financière.»

Coupes négociées

Faute d'une nouvelle entente entre démocrates et républicains, des coupes automatiques de 1200 milliards sur 10 ans dans le budget du gouvernement des États-Unis sont entrées en vigueur le 1er mars dernier.

Cette «séquestration» est le fruit d'une entente à l'été 2011 afin de permettre au gouvernement fédéral de continuer d'emprunter, mais plusieurs observateurs aimeraient mieux une nouvelle entente négociée sur les coupes budgétaires.

«S'il y a une entente budgétaire qui ne fait pas trop mal à l'économie et qui enlèverait l'incertitude, ce serait une bonne nouvelle, car ça rendrait les coupes plus intelligentes», dit l'économiste Francis Généreux.

«Le remplacement des coupes automatiques par des coupes négociées pourrait améliorer la croissance économique aux États-Unis, et l'économie canadienne bouge avec l'économie américaine», dit Krishen Rangasamy, économiste à la Banque Nationale.

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REVENUS SUPPLÉMENTAIRES

- Hausse des taxes pour les plus riches, incluant la « règle Buffett », qui assurerait un impôt minimal de 30% pour les ménages dont le revenu dépasse 1 million.

- 1,95$: La nouvelle taxe sur les cigarettes sera presque doublée, pour atteindre 1,95$ par paquet. Elle servira à financer un programme d'éducation préscolaire.

COUPES SUPPLÉMENTAIRES

- Coupes de 400 milliards sur 10 ans dans les programmes de soins de santé comme Medicare.

- Coupes supplémentaires de 100 milliards sur 10 ans pour la Défense.