Timothy Geithner quitte ses fonctions vendredi après quatre ans à la tête du Trésor des États-Unis. S'il a transformé en succès le sauvetage de la finance, il laisse derrière lui une économie américaine au milieu du gué et un certain nombre de promesses non tenues.

Lorsqu'il arrive à la tête du département du Trésor, le 26 janvier 2009 dans la foulée de l'élection de Barack Obama, l'économie américaine est en chute libre.

M. Geithner porte alors une part de responsabilité : à partir de fin 2003, il a dirigé l'antenne new-yorkaise de la banque centrale (Fed) pendant cinq années marquées par un aveuglement sur les risques que prenaient les grands établissements financiers. Mais il a été ensuite l'un des principaux artisans de la réponse du gouvernement à la crise.

À l'été 2009, la descente de l'économie vers l'abîme est enrayée. La reprise s'installe, cahotante et trop faible pour faire baisser rapidement le chômage: trois ans et demi plus tard, le pays n'a regagné officiellement que 64% des quelque 11,8 millions d'emplois emportés par la dernière récession.

M. Geithner, qui a passé pratiquement toute sa carrière dans la fonction publique, a estimé la semaine dernière lors d'une cérémonie de départ que le plan mis en oeuvre par les autorités «était meilleur qu'aucun autre et que toutes les possibilités qui s'offraient» à l'époque.

Le 75e secrétaire au Trésor des États-Unis, qui a encaissé docilement pendant quatre ans les coups venant de la droite et de la gauche, a aussi transformé en succès le plan de sauvetage de la finance à moitié ficelé dont il avait hérité du gouvernement républicain sortant.

Loi de réforme de Wall Street

Ce monstre hybride, qui s'annonçait au départ comme un gouffre comptable, ne devrait finalement coûter qu'une quarantaine de milliards de dollars aux contribuables américains, selon les dernières estimations du Trésor. À ce prix, il aura permis d'empêcher l'effondrement du système financier et de sauver le secteur automobile américain.

Autre point à son actif : la loi de réforme de Wall Street promulguée en 2010, dont il a été l'un des principaux défenseurs.

Ce texte étend ou renforce le contrôle des autorités sur des pans entiers de la finance, mais plusieurs responsables de la Fed estiment qu'il ne résout pas le problème du gigantisme des plus grandes banques du pays, qui ne cessent de grandir.

Une des critiques les plus entendues à propos de M. Geithner est d'ailleurs la connivence qu'il entretiendrait avec Wall Street.

Le ministre de l'Économie et des Finances sortant a en effet enterré discrètement la proposition présidentielle de taxer les plus grandes banques, il a aussi contribué à amoindrir la portée de la réglementation dite Volcker contre la spéculation bancaire.

Mais pour Noam Scheiber, journaliste à The New Republic, «le problème dans la relation de Geithner au secteur financier est davantage de l'ordre de la tutelle intellectuelle que de la corruption», et le ministre est connu pour n'avoir pas mâché ses mots vis-à-vis des excès de la finance.

Outre la taxe sur les banques, M. Geithner laisse derrière lui deux grandes promesses non tenues: celles de réformer l'impôt sur les sociétés et le marché du financement du logement.

Il quitte aussi le ministère sans avoir trouvé avec les républicains un accord sur les moyens de faire baisser l'endettement des États-Unis, qui a considérablement augmenté en quatre ans.

La tâche reviendra à son successeur, Jacob Lew, qui passe pour être davantage un homme de consensus.

M. Geithner n'a pour l'instant d'autre projet que de rentrer à New York profiter de sa famille. En attendant que M. Lew ne soit confirmé dans ses fonctions par le Sénat, c'est le secrétaire au Trésor adjoint, Neal Wolin, qui assure l'intérim.