Tout le monde économique, financier et politique a poussé un grand Ouf! de soulagement à l'annonce du compromis fiscal forgé in extremis par le Congrès, au jour de l'An.

Les États-Unis sont parvenus à contourner le mur budgétaire et fiscal vers lequel le Congrès les dirigeait, mais il en reste deux autres redoutables à éviter d'ici le premier mars.

En reconduisant pour une durée indéterminée les baisses d'impôt temporaires décrétées par l'administration de George W. Bush pour tous les contribuables dont le revenu imposable est inférieur à 400 000$ (450 000$ pour les ménages), le Congrès a su éviter une récession aux États-Unis.

En fait, l'ensemble de ce qui figure dans l'American Taxpayer Relief Act of 2012 (La loi de 2012 sur le soulagement des contribuables) devrait exercer une ponction sur l'économie représentant de 1,3% à 1,7% de sa taille, selon diverses évaluations et selon la suite des choses. Ça peut sembler beaucoup, mais le rythme de croissance actuel pourra l'absorber. En fait, la plupart des économistes pensaient hier que l'expansion américaine frôlera les 2% en 2013, de quoi faire envie à l'Europe, au Japon... et au Canada.

Faute de compromis, si bancal que soit celui obtenu mardi, le mur budgétaire aurait retranché quatre points de pourcentage à la croissance.

Pour la cohorte des contribuables qui gagnent plus de 506 000$ (le fameux 1%) l'augmentation d'impôt est salée: 76 633$ de plus en moyenne, selon les estimations du Tax Policy Center, citées par l'agence Bloomberg, en tenant compte aussi du relèvement des taux d'imposition sur les dividendes, les gains en capital, les successions et l'impôt foncier.

Ce n'est toutefois pas cette nouvelle ponction qui va faire mal, cet hiver. C'est plutôt la cotisation des salariés au filet de sécurité sociale qui est ramenée de 4,2% à 6,2%, son taux d'avant 2010. Cela représente une coupe de 1000$ en moyenne du salaire net annuel pour les revenus de 50 000$ et plus. Quatre ménages sur cinq auront moins d'argent pour consommer ou épargner.

Le Congrès a par ailleurs complètement échoué à trouver une solution durable et crédible pour diminuer progressivement le déficit budgétaire et stabiliser la dette publique américaine. C'est ce qui a amené le Fonds monétaire international à qualifier le compromis de «bienvenu, mais insuffisant».

Tout au plus le Congrès reporte-t-il au 1er mars le début des coupes automatiques et aveugles dans les programmes sociaux et le budget de la Défense. Elles sont édictées dans le compromis d'août 2011 qui avait aussi fixé à 16 400 milliards le plafond que pouvait atteindre la dette américaine.

Ce plafond a été atteint lundi. Il devra être relevé par le nouveau Congrès dont la composition reflète les résultats des élections du 6 novembre aussi dysfonctionnels que ceux de 2010: majorité républicaine à la Chambre des représentants, démocrate au Sénat.

Les républicains n'ont rien gagné mardi: non seulement les plus riches payeront-ils plus d'impôt, mais le prolongement d'une année des prestations supplémentaires de chômage coûtera 30 milliards de plus au Trésor.

Voilà pourquoi ils voudront se reprendre pour obtenir des coupes saillantes dans les programmes sociaux, en échange du relèvement du plafond de la dette.

Le président Barack Obama a annoncé ses couleurs: pas de coupes dans l'éducation, la formation, la recherche, ni dans les investissements pour les infrastructures et l'emploi. Restent la couverture publique des soins de santé, les retraites, la Défense et de nouvelles ponctions fiscales par l'élimination, par exemple, des échappatoires dont bénéficient les grandes sociétés.

Cela met la table pour d'autres psychodrames auxquels les politiciens américains nous ont, hélas! , trop habitués.

Cela promet aussi que, d'ici le 1er mars, date butoir du prochain compromis, les entreprises, qui ne connaissent pas la nature des coupes budgétaires ni de leurs hausses d'impôt à venir, hésiteront à investir, à embaucher.

Le Congrès a évité un premier mur, mais au prix d'un dérapage qui paraît conduire les États-Unis sur un autre.

Prolongement sine die des baisses d'impôt de George W. Bush pour tous les contribuables dont le revenu imposable est inférieur à 400 000$ (ou 450 000$ pour les ménages).

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Élimination de la baisse de 2% de la contribution des salariés au filet de sécurité sociale, ce qui représente une ponction fiscale moyenne additionnelle de 700$ à 1000$ par ménage.

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Prolongement d'une année des prestations de chômage pour une période pouvant aller jusqu'à 99 semaines, selon les États, au lieu de 26.

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Le taux d'imposition sur les dividendes, les successions et les gains en capital passe de 35% à 40% au-delà du seuil de 5 millions.

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Report au 1er mars des coupes budgétaires automatiques de 110 milliards US pour l'année en cours.