Linoléum délavé, mobilier d'une autre époque, néons blafards: le One Stop Career Center de la 125e Rue, dans Harlem, ne paie pas de mine. En ce mercredi matin de la fin du mois d'août, une trentaine de chômeurs attendent de rencontrer un conseiller ou épluchent les offres d'emploi sur les ordinateurs mis à leur disposition. L'ambiance est morose.

Le taux de chômage a franchi la barre de 10,2% l'été dernier à New York, un taux jamais atteint depuis 19 ans. La métropole a regagné le double de tous les postes qu'elle a perdus pendant la crise financière, mais de nombreuses personnes ont recommencé à chercher du travail, ce qui a poussé le taux à la hausse.

L'incertitude persiste pour les chômeurs - et pour bien des travailleurs. «Le nouveau mood, c'est que si tu perds ton emploi en ce moment, ça va être très difficile de te replacer», dit un jeune courtier d'une importante banque d'affaires new-yorkaise, qui a requis l'anonymat pour protéger son poste.

L'industrie financière - le poumon économique de tout l'État de New York - est en période de réajustement. Après les licenciements massifs de 2008-2009 et les réembauches fulgurantes qui ont suivi, elle doit établir de nouveaux seuils d'emploi mieux adaptés à la réalité de 2012.

«Tous les trois mois, il y a des pertes d'emplois dans l'industrie, explique le courtier de Wall Street à La Presse Affaires. Ce ne sont pas de grosses coupes, mais il y a toujours de la réévaluation. Beaucoup d'employés de Goldman Sachs sont partis chez Morgan Stanley ou ailleurs. Il y a un gros jeu de chaises musicales dans toutes les banques.»

La baisse du volume d'échange d'actions aux Bourses new-yorkaises - environ 15% depuis le début de l'année - est en bonne partie responsable de ce recalibrage. Citigroup supprimera ainsi 350 postes dans son département de valeurs mobilières, tandis que Goldman Sachs en a déjà éliminé une trentaine, indique l'agence Bloomberg. Entre-temps, de plus petites firmes d'investissement comme Cantor Fitzgerald ont, à l'inverse, ajouté des centaines d'employés.

Nouvelle réalité

Dans les rues de New York, les signes de la crise financière se sont dissipés. Une série d'immenses gratte-ciel sont en chantier, et les touristes sont plus nombreux qu'ils ne l'ont jamais été dans l'histoire de la ville. Plusieurs boutiques de luxe font des travaux de rénovation à grands frais sur la 5e Avenue et dans toutes les artères commerciales les plus prisées de la ville.

Le marché immobilier haut de gamme a le vent dans les voiles. Certains appartements se sont vendus plus de 90 millions dans la nouvelle tour One57, dont la silhouette filiforme domine Central Park. «Quand tu entres dans cet appartement, tu peux vraiment te dire que tu as acheté New York!», dit Dan Tubb, directeur des ventes de l'immeuble, en montrant sur un écran géant les vues époustouflantes qui seront offertes du penthouse du 87e étage.

En parallèle, une forme de démocratisation s'est réalisée dans la métropole. En premier lieu dans les bars et restaurants, où la nouvelle tendance est à l'accessibilité avec des cocktails et menus à bas prix.

«Les nappes blanches ont disparu, c'est devenu plus égalitaire, moins strict et plus décontracté», explique Alan Systma, éditeur du blogue culinaire Grub Street, affilié au New York Magazine.

Deux des restaurants les plus courus de l'heure à New York donnent dans l'extrême simplicité. Mission Chinese, dans le Lower East Side, offre la plupart de ses plats aux environs de 15$ et ne prend aucune réservation. Idem pour le thaïlandais Pok Pok, dans Brooklyn. Les gens attendent jusqu'à deux heures pour y manger le week-end.

La mode des restaurants au luxe ostentatoire a pris fin avec la crise économique. Plusieurs, dont L'Atelier de Joël Robuchon, ont fermé leurs portes. Seuls quatre ou cinq établissements très haut de gamme, «des classiques», sont restés ouverts, souligne Alan Systma. Parmi eux, Per Se, Daniel, Le Bernardin et Jean-Georges.

Mieux que la moyenne nationale

Depuis le creux de septembre 2009, la ville de New York a ajouté 205 000 emplois, ce qui équivaut à un taux de croissance de 5,6%. «Pour mettre cela en perspective, les États-Unis ont gagné 4,5 millions de postes depuis le creux de février 2010, ce qui équivaut à un taux de croissance 4,3%», souligne Barbara Byrne Denham, économiste en chef de la firme d'investissement immobilier Eastern Consolidated.

L'État de New York comptait un total de 8,8 millions d'emplois en août. C'est presque 300 000 de moins qu'au moment où Barack Obama a pris le pouvoir, en novembre 2008, indiquent les données du Bureau of Labor Statistics, un organisme fédéral.

Selon le New York State Department of Labour, l'État a néanmoins regagné 348 000 emplois dans le secteur privé depuis le creux atteint en novembre 2009, l'équivalent de tous ceux qui avaient été perdus pendant la récession.

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L'ÉTAT DE NEW YORK SOUS OBAMA

Taux de chômage

- Novembre 2008: 6%

- Sommet (janvier 2010) : 9,5%

- Août 2012: 8,8%

Nombre d'emplois

- Novembre 2008: 9 058 953

- Août 2012: 8 771 170

Source: US Bureau of Labor Statistics. Données non désaisonnalisées.