Jim Greenbaum et sa femme Hellen auraient dû avoir toutes les raisons de fêter un événement important. Au début du mois de septembre, leur somptueux magasin de meubles, qui s'étend sur 140 000 pieds carrés, a eu 60 ans. Mais en ce jeudi matin, il n'y a aucun client, un scénario qui se répète trop souvent depuis quelques années.

«Quand on a lancé le magasin en 1952, on était dans une récession, et il y en a eu plusieurs autres depuis, rappelle M. Greenbaum, autour d'une table de bois exotique dans sa salle d'exposition. Mais celle-ci semble ne jamais vouloir cesser. Les gens s'accrochent beaucoup plus à leur argent.»

Le magasin situé dans la petite ville de Paterson est une victime directe de la crise immobilière qui a secoué le New Jersey - et le pays entier. Ses riches clients, dont ont fait partie l'acteur Eddy Murphy et le boxeur Mike Tyson, ont été nombreux à ne plus acheter de meubles haut de gamme quand la valeur de leur maison s'est mise à plonger à partir de 2007. Du jour au lendemain, les armoires à 15 000$ importées de Paris ou de Moscou n'ont plus trouvé preneur.

Jim Greenbaum essaie depuis plus d'un an d'emprunter 1,7 million de dollars pour assurer la survie de son entreprise. Sans succès. Il devra fermer boutique d'ici 12 mois si ses démarches auprès des banques ne portent pas leurs fruits, dit-il avec un air étonnamment serein dans les circonstances.

Sa femme Hellen est plus expressive - et enragée. «Les banques nous ont roulés, ensuite on les a sauvées avec l'argent du public, lance-t-elle avec dépit. Maintenant, on a besoin d'emprunter et elles refusent! On a 50 employés qui risquent de perdre leur travail si on n'a pas de prêt.»

La seule raison pour laquelle les Greenbaum ne ferment pas leur magasin dès maintenant, c'est qu'ils possèdent tous les immeubles dans un quadrilatère complet du centre-ville de Paterson, dit Hellen. Autant de propriétés difficiles à vendre dans un marché immobilier déprimé où les prix médians sont 20% plus bas qu'il y a cinq ans.

Lent et pénible

Statistiquement, le New Jersey est sorti de la récession, comme le reste du pays. L'État comptait 4,16 millions d'emplois en juillet, selon le Bureau of Labor Statistics, une amélioration de 95 000 postes par rapport au creux atteint en janvier 2010.

Cela demeure toutefois en deçà des 4,26 millions de postes qu'affichait l'État en octobre 2008, juste avant l'élection du président Barack Obama. Le taux de chômage a d'ailleurs atteint un sommet en 35 ans l'été dernier au New Jersey, signale le New Jersey Department of Labor.

La reprise est lente et pénible. Et surtout, instable, ce qui nuit à l'embauche, dit Philip Kirschner, président de la New Jersey Business&Industry Association (NJBIA), qui regroupe 21 500 membres dans tout l'État.

«J'entends tellement d'entreprises me dire qu'elles ont quelques mois fabuleux, et qu'ensuite, ça redevient neutre le mois suivant, explique-t-il. Elles disent ne pas pouvoir embaucher en fonction de quelques bons mois. La croissance n'a pas besoin d'être immense, mais elle doit être constante. Six mois de croissance, même réduite, c'est beaucoup mieux pour les embauches que deux très bons mois suivis d'un mauvais mois et d'un autre mois couci-couça.»

Les secteurs des services professionnels, de la santé et de la finance se sont plutôt bien rétablis, tandis que l'industrie de la construction demeure dans un état lamentable, indique M. Kirschner. Les nombreux bâtiments barricadés de Paterson témoignent du faible intérêt actuel pour la rénovation et l'investissement immobilier.

Géographiquement, les villes situées dans le sud du New Jersey se portent mieux que celles du Nord - comme Paterson. La concurrence directe avec la grande région de New York, «déjà saturée», est difficile à supporter, dit Philip Kirschner.

Les consommateurs limitent au maximum leurs dépenses. Ils laissent tomber les articles de luxe, comme les meubles de Greenbaum Interiors, mais ils courent les aubaines. Au Jersey Gardens de Newark, centre commercial au tapis taché qui semble tout droit sorti des années 80, les clients sont nombreux dans les magasins-entrepôts où les prix sont réduits de 50% à 75%.

Malgré cette reprise à pas de tortue, l'humeur des chefs d'entreprise est nettement meilleure que pendant la récession, selon des sondages menés par la NJBIA. Les licenciements massifs font partie du passé, et les sociétés qui ont traversé la tempête en ressortent la tête haute, affirme Philip Kirschner, en poste depuis 21 ans.

«Elles sont fières d'être parmi celles qui ont survécu.»

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LE NEW JERSEY SOUS L'ÈRE OBAMA

Taux de chômage

> Novembre 2008: 6%

> Sommet (janvier 2010) :10,3%

> Août 2012: 9,7%

Nombre d'emplois

> Novembre 2008: 4 241 495

> Août 2012: 4 154 586

Source : US Bureau of Labor Statistics Données non désaisonnalisées.