Le service postal américain perdra 14 milliards US en 2012, un record. Notre correspondant fait le bilan de cette institution, qui vit aujourd'hui la pire crise de son existence.

Peu de sujets aux États-Unis sont aussi polarisés que le service postal.

Pour certains, c'est un lien crucial et patriotique entre les 50 États. Pour d'autres, un service archaïque qui bourre les boîtes aux lettres de menus de pizzerias et d'offres de cartes de crédit.

Une chose sur laquelle tout le monde s'entend, par contre, c'est que le système coûte cher.

En 2010, le service a déclaré des revenus de 67 milliards US (tous les montants sont en dollars US), et des dépenses de 75 milliards, donc des pertes de 8 milliards. En 2012, les pertes estimées sont de 14 milliards.

«Notre institution doit changer, et rapidement, a déclaré le patron de la Poste, Pat Donahoe, plus tôt ce mois-ci. Nous n'avons plus le luxe d'attendre.»

M. Donahoe veut fermer 252 centres de traitement et 3700 bureaux de poste aux États-Unis, notamment ceux situés dans les comtés ruraux, dont la clientèle a diminué au fil des ans.

Les coupes envisagées sont elles aussi radicales: le licenciement de 100 000 employés est à l'étude. Le service postal a déjà éliminé 110 000 emplois depuis quatre ans. En 2010, le service employait 583 900 personnes.

Problème au Congrès

C'est le Congrès qui est responsable du service postal aux États-Unis. Or, les divisions partisanes prononcées des dernières années font en sorte que les choses bougent lentement.

Par exemple, le service postal a demandé la permission de cesser la livraison du courrier le samedi. Une telle loi n'a pas encore été votée. D'ici à ce qu'elle le soit, c'est le statu quo.

En 2006, au moment où l'économie américaine roulait à plein régime, le Congrès a décidé d'obliger le service postal à financer les soins de santé de ses futurs retraités. Cette année, cela équivaut à des paiements de 5,5 milliards, une dépense que le service dit ne pas avoir les moyens de se permettre.

Selon Sally Davidow, directrice des communications de l'American Postal Workers Union (APWU), le prépaiement de 5.5 milliards est excessif, d'autant plus que le service postal est la seule entité liée au gouvernement fédéral obligée de suivre cette démarche.

«À la base de la crise que nous vivons se trouve un problème législatif, dit-elle en entrevue. C'est en réglant ce problème que nous pourrons avancer.»

L'impact de l'internet

Pendant ce temps, l'internet fait baisser le volume du courrier, surtout du courrier dit de «première classe», par opposition au courrier commercial en vrac, une tendance qui risque de s'accélérer. Le nombre d'articles livrés est passé de 202 milliards en 2008 à 170 milliards cette année, en partie à cause des conséquences de la crise économique.

Mme Davidow croit que l'élimination des centres de tri et l'éventuel abandon de la politique de livraison du courrier le lendemain, partout aux États-Unis, vont exacerber le problème.

«On se tire dans le pied si on croit pouvoir sauver l'institution en ralentissant le service. Au contraire, il faut accélérer la livraison du courrier, et rendre le service plus attrayant et concurrentiel. Personne ne veut utiliser un service qui ne fonctionne qu'à moitié.»

Histoire de regarnir ses coffres, le service postal a demandé à la Postal Regulatory Commission (PRC) de recevoir le droit de hausser ses tarifs de 5,6% en 2012.

Inutile de préciser que la mesure n'est pas populaire. Les associations de publicitaires et les groupes à but non lucratif se sont prononcés contre cette hausse, qui excède la hausse de l'indice des prix à la consommation.