Que s'est-il passé quand la Grèce a admis cet été que son déficit budgétaire allait atteindre 6,7% de la taille de son économie? Ses prêteurs ont exigé des taux exorbitants, la forçant à demander un deuxième plan de sauvetage en autant d'années. Les tensions qui en ont résulté ont provoqué la démission du premier ministre Georges Papandréou et la création d'un gouvernement de technocrates.

Que s'est-il passé cet été quand les congressistes américains ont annoncé que, pour la troisième année d'affilée, leur déficit budgétaire avoisinera les 10% de la taille de leur économie et qu'ils étaient incapables de définir un plan crédible pour le contenir? Standard&Poor's a abaissé de AAA à AA" la note de crédit des États-Unis, mais les coûts d'emprunt de la première économie du monde ont diminué.

Que s'est-il passé quand la classe politique italienne a hésité à pratiquer des coupes sombres pour, à tout le moins, contenir à 120% de son PIB le poids de sa dette? Ses coûts d'emprunt pour une période de 10 ans ont franchi le seuil insoutenable à terme de 7%, forçant la démission du premier ministre Silvio Berlusconi et la création d'un gouvernement de technocrates.

Que se passe-t-il maintenant aux États-Unis, alors que le Congrès est incapable de s'entendre sur des réductions du déficit de 1200 milliards en 10 ans de manière à stabiliser le ratio de la dette sur l'économie? (Il atteint désormais 100%, mais 118% si on inclut celle des agences de prêts hypothécaires sous tutelle Freddie Mac et Fanny Mae.)

Washington pouvait financer hier des emprunts de 10 ans à moins de 2%! Le Trésor a même facilement refinancé une partie de sa dette pour six mois en consentant un taux insignifiant de 0,04% alors que l'inflation américaine dépasse les 3% par année. La France, dont la note est encore de AAA, a dû payer 0,742%, hier. Dans sa déroute le mois dernier, l'Italie devait offrir 3,535% pour cette courte échéance.

Rarement a-t-on vu pareille déconnexion entre risque et rendement. Elle permet aux États-Unis de financer leur dette abyssale de 15 000 milliards à des taux réels négatifs.

Les détenteurs de capitaux et les spéculateurs semblent prêts à accepter l'incurie du Congrès comme un moindre mal, même si elle risque de pousser les États-Unis en récession, cet hiver ou au plus tard au début de 2013.

Le super-comité bipartite, formé en juillet de six congressistes républicains et six démocrates, était chargé de trouver des réductions de déficit au moyen d'un dosage de coupes dans les dépenses et de hausses des revenus.

C'était de la petite bière en comparaison des efforts exigés par la Commission européenne et le Fonds monétaire international aux pays de la zone euro en crise fiscale. Ils ont dû, par exemple, allonger l'âge de la retraite et en diminuer la rente, geler les salaires des fonctionnaires, augmenter la taxe sur la valeur ajoutée.

Des hausses de revenus auraient pu provenir de l'élimination des échappatoires fiscales à la grande entreprise ou de taux d'imposition sur la rémunération des grands fortunés semblables à ceux des salariés.

Cela aurait permis de limiter l'ampleur des coupes à des réductions de la croissance des dépenses de l'État dans la défense et les programmes sociaux.

Faute d'entente, les diminutions de 2% du taux d'imposition des salaires votées l'an dernier viendront à terme le 31 décembre, tout comme le programme de prolongement des prestations d'assurance-chômage alors que le taux officiel des demandeurs d'emploi est de 9,1%.

Faute d'entente, prendront fin aussi le 1er janvier 2013 les baisses temporaires d'impôt de l'ère Bush pour les plus riches et la classe moyenne. Elles ont été reconduites l'an dernier pour deux ans sous les pressions efficaces du Tea Party qui exige désormais leur pérennité.

Y mettre fin intégralement représentera des rentrées de fonds de 4000 milliards, soit une ponction fiscale de l'ordre de 3% du PIB.

De quoi replonger les États-Unis en récession, s'ils n'y ont pas été déjà poussés par les difficultés européennes présentes qui font la seule joie des spéculateurs.

L'absence de sanctions immédiates des États-Unis par leurs créanciers agit comme s'ils incitaient les congressistes à nier l'importance de la crise fiscale américaine.

Jusqu'à quand?