Le spectaculaire développement du gaz de schiste met les États-Unis sur la voie d'une révolution: devenir un pays exportateur et se lancer à l'assaut des marchés européen et asiatique avec un produit bon marché.

Le spectaculaire développement du gaz de schiste met les États-Unis sur la voie d'une révolution: devenir un pays exportateur et se lancer à l'assaut des marchés européen et asiatique avec un produit bon marché.

Le courtier en énergie Cheniere Partners a annoncé mercredi avoir conclu un accord avec le producteur britannique BG Group pour lui vendre 3,5 millions de tonnes par an de gaz naturel liquéfié (GNL) sur les 20 prochaines années, ce qui lui rapportera huit milliards de dollars au total.

La société texane remporte ainsi le premier contrat d'exportation de gaz jamais signé par le pays, hors Alaska, où le seul terminal actif doit fermer en novembre.

Les premières livraisons sont prévues pour 2015, quand le terminal de Sabine Pass, en Louisiane (sud), sera opérationnel.

Même très modeste vu les quantités en jeu, la transaction montre le bouleversement subi par le marché américain du gaz, où de nombreux acteurs pariaient il y a encore quelques années sur la construction d'infrastructures d'importation. Y compris Cherniere, qui y avait investi deux milliards de dollars.

Entre temps, les nouvelles techniques de forage de gaz de schiste ont donné accès à des réserves qu'on pensait épuisées. Résultat: la production des États-Unis a augmenté de près de 30% depuis 2005 et occupe la première place au niveau mondial, selon le cabinet spécialisé dans l'énergie IHS Cera, qui estime que l'Amérique du Nord dispose de réserves équivalant à 100 ans de consommation actuelle.

Sur le marché new-yorkais, le gaz naturel s'échange actuellement autour de 4 dollars par million de BTU (british thermal unit), ce qui correspond à environ 140 dollars les 1000 m3.

C'est deux à quatre fois moins cher que sur les marchés européen et asiatique, où les prix du gaz sont indexés sur ceux du pétrole.

«Si on continue d'avoir beaucoup de gaz, si on continue d'augmenter le nombre de forages et si le prix du pétrole reste à 100 dollars, on va avoir des projets» d'exportation, indique à l'AFP Charif Souki, le PDG de Cheniere.

«Il y aura certainement des limitations à l'infrastructure, ce n'est pas facile de trouver un emplacement. Pour un terminal d'export, il faut des eaux suffisamment profondes, des installations portuaires, être connecté aux gazoducs américains et ne pas avoir trop de voisins qui protestent», ajoute-t-il.

Pour John Malone, de la maison de Bourse Ticonderoga Securities, l'accord entre Cheniere et BG «ouvre la porte» à d'autres transactions, car il «offre un cadre pour les contrats futurs».

Même si liquéfier du gaz puis le transporter d'un continent à l'autre coûte cher, «la différence de prix est tellement énorme entre d'un côté les États-Unis et de l'autre l'Europe et l'Asie que les entreprises veulent profiter de la différence. Il y a beaucoup d'argent à se faire», estime l'analyste.

BG, un acteur important du marché du GNL, attend d'ores et déjà l'accord du gouvernement américain pour pouvoir réaliser ses propres exportations à partir du terminal de Lake Charles, également en Louisiane.

L'Asie constitue pour l'instant le marché le plus attractif, car les prix y sont les plus élevés.

Mais l'Europe pourrait s'intéresser de près au gaz américain, car le continent «n'a qu'un fournisseur important, la Russie, et il n'est jamais bon d'avoir une telle concentration d'offre dans les mains d'un seul pays», relève James Williams, du cabinet WTRG Economics.

Pour l'analyste, même si le processus nécessitera des années et d'importants investissements, «les États-Unis deviendront un acteur important» du marché mondial.

Les exportateurs américains «doivent concourir avec l'Australie, la Russie, le Qatar, le Nigeria, le Pérou: la concurrence est forte pour les marchés européen et asiatique», prévient Mary Barcella, du cabinet IHS Cera.

«La question, c'est l'impact de cette concurrence entre pays fournisseurs d'énergie sur les prix du GNL. Si l'offre augmente, est-ce que les prix vont baisser en Asie et en Europe?», s'interroge l'analyste.