La production manufacturière montre d'inquiétants signes de ralentissement aux États-Unis, tandis que les experts prennent la juste mesure du compromis fiscal qui entravera la croissance au cours des prochaines années.

Le rebond escompté en seconde moitié d'année paraît mal amorcé, si on en juge par l'indice ISM manufacturier. Il est passé de 55,3 à 50,9 de juin à juillet, soit tout juste au-dessus de la barre qui indique que la production en usine est en expansion. Il s'agit du niveau le plus faible depuis juillet 2009, mois qui marquait officiellement la fin de la Grande Récession.

En Chine, de même qu'au Royaume-Uni, des indices similaires ont marqué des reculs et sont retombés à leur niveau d'il y a deux ans. «Voilà pourquoi il était si important d'obtenir un pacte fiscal plus tôt et moins susceptible de susciter un défaut de paiement ou une décote, affirme Jennifer Lee, économiste principale chez BMO marchés des capitaux. Plus l'incertitude grandissait, plus les craintes augmentaient, ce qui a poussé les entreprises à interrompre leurs investissements et leurs embauches.»

Dans la foulée de la publication de ces données, les grands indices boursiers américains et européens ont vite effacé leurs petits gains résultant du compromis fiscal scellé péniblement dimanche. Les obligations américaines venant à échéance dans 10 ans affichaient quant à elles leur rendement le plus faible de l'année à 2,74% seulement.

La composante des nouvelles commandes de l'indice ISM a franchi le plancher fatidique à 49,2 tandis que celle de l'emploi n'est plus qu'à 53,5, contre plus de 60, de janvier à avril. Cela présage de mauvais chiffres sur le chômage, vendredi.

«Ce résultat est peu encourageant pour le PIB réel du troisième trimestre, qui pourrait avoir de la difficulté à s'accélérer après la hausse de seulement 1,3% à un rythme annualisé au deuxième trimestre», observe Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Au premier trimestre, le gain du PIB avait été contenu à 0,4%.

Dans son scénario de juin, l'institution lévisienne prédisait une croissance de 2,5% et 3,0% pour 2011 et 2012 aux États-Unis, chiffres qui seront revus à la baisse plus tard ce mois-ci.

Des corrections sont aussi attendues pour le Canada où Desjardins tablait sur une expansion de 2,9% et 2,7%. Cette diminution sera sans doute de moindre importance, car notre économie a mieux fait en première moitié d'année, malgré le net ralentissement du printemps. C'est l'accélération en seconde moitié qui sera moins forte des deux côtés de la frontière.

«La Banque du Canada compte sur une croissance américaine de 3,2% l'an prochain, ce sera 2,5% au maximum», affirme Carlos Leitao, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Il prévoit que cela va affaiblir aussi l'expansion canadienne, en particulier pour l'Ontario et le Québec qui exportent des biens manufacturiers au sud.

La deuxième phase de coupes prévues dans le compromis fiscal scellé dimanche l'inquiète.

Le pacte entre démocrates et républicains prévoit d'abord des coupes budgétaires de 917 milliards assorties d'un relèvement du plafond de la dette de 900 milliards.

Les congressistes auront par la suite jusqu'à novembre pour trouver des réductions de déficits additionnelles de 1500 milliards, assorties d'un autre relèvement du plafond de la dette équivalent.

Faute d'entente, les coupes seront automatiques, y compris dans la défense et le programme Medicare.

Pire, cela signifierait que les baisses d'impôt décrétées par George W. Bush en 2000, et reconduites intégralement en décembre dernier jusqu'en 2013 dans l'espoir de soutenir la reprise, prendraient alors fin. Tant la classe moyenne que les plus nantis seraient imposés aux taux plus élevés de l'administration Clinton, au moment où les ménages sont à bout de souffle.

«Les États-Unis se sont mis dans un carcan fiscal», poursuit M. Leitao.

Une faible croissance est plus vulnérable aux chocs. Ils peuvent être intérieurs, comme le pacte fiscal, ou externes comme une décélération trop brusque de la croissance chinoise ou une aggravation de la crise de la dette souveraine en Europe.

Dans une semaine, la Réserve fédérale américaine pourrait donner des indications de ce qu'elle peut faire, mais ses options sont limitées. Les élus n'accepteront pas sans rechigner une nouvelle détente quantitative, comme l'achat de 600 milliards de dette américaine qu'elle a réalisé de novembre à juin avec des résultats mitigés.

Elle pourrait cependant choisir de troquer ses obligations de courte et moyenne échéance de 2, 5 et 7 ans contre des 10 et 30 ans dans le but d'infléchir les taux d'intérêt à long terme, croit M. Leitao. C'est aussi l'option retenue par Goldman Sachs dans un envoi à ses clients, vendredi dernier, peu après l'inquiétante révision des données sur la croissance par le Bureau of Economic Analysis.