La perspective de voir les États-Unis perdre leur statut d'emprunteur «triple A», qui laisserait au président Barack Obama une place peu enviable dans l'histoire, n'a jamais paru au secteur financier aussi proche qu'avec les débats budgétaires actuels à Washington.

Mercredi, un fonctionnaire fédéral disait à des parlementaires de s'y préparer. Pour David Wilson, un dirigeant du Bureau du contrôleur de la monnaie, autorité de régulation bancaire dépendant du département du Trésor, les élus ont «des raisons de s'inquiéter» d'un possible abaissement de la note.

«Je veux dire que cela pourrait se produire», a-t-il dit. «Ce pourrait être quelque chose d'énorme».

Inchangée depuis 1917, la note «AAA» des États-Unis est presque aussi vieille que la notation elle-même, inventée par John Moody en 1909. L'idée de sa perte était impensable il y a peu de temps encore, ne serait-ce que quand M. Obama a pris ses fonctions en janvier 2009.

Washington a normalement tous les atouts pour être au sommet de la hiérarchie des emprunteurs les plus fiables: le statut de première puissance économique et militaire, l'assiette fiscale la plus large du monde, le contrôle des planches à billets de la monnaie de réserve mondiale, et la fidélité des investisseurs privés et des plus grandes banques centrales de la planète qui achètent sa dette.

Mais il est possible d'être expulsé du jour au lendemain du cercle restreint des États les plus solvables, où les États-Unis côtoient des puissances du G7 comme la France ou le Canada, et de petites économies comme la Finlande ou Singapour.

«Nos analystes dans leurs publications ont souligné que le poids de la dette et son taux de croissance étaient une chose à laquelle il fallait s'attaquer» pour rester «triple A», rappelait mercredi le président de Standard & Poor's, Deven Sharma, qui témoignait également devant la Chambre des représentants.

Mi-juillet, cette agence indiquait qu'il y avait «au moins une chance sur deux» pour que les États-Unis perdent leur note sous trois mois.

«Le risque d'un abaissement de la note des États-Unis est en augmentation», décryptent les analystes de la maison de courtage japonaise Nomura, qui trouvent que les agences de notation envoient «des avertissements fermes».

Dans leurs projections, si les États-Unis perdent leur note «AAA», c'est tout le système financier mondial qui sera contraint à une réévaluation des risques sur les marchés de la dette: les fonds communs de placement qui par définition n'en prennent pas, les banques d'affaires qui s'en servent comme instrument dans une multitude de transactions plus ou moins complexes, les assureurs, les acheteurs de dette des États fédérés et collectivités locales aux États-Unis, etc.

Une autre des trois grandes agences de notation, Fitch Ratings, publiait aussi un rapport sur les répercussions de la perte du «triple A».

«L'éventualité d'un abaissement de la note 'AAA' attribuée à la dette publique des États-Unis par une grande agence de notation (pas nécessairement Fitch Ratings) a entraîné de nombreux avertissements sur les conséquences d'une telle décision pour les marchés financiers et l'économie américaine», relevait-elle.

Mais d'après Fitch, les bons du Trésor garderont à court et moyen terme «leur statut de titre de référence pour les marchés de taux».

Deutsche Bank soulignait cependant l'intérêt pour les parlementaires qui négocient le relèvement du plafond légal de la dette publique de parvenir à des mesures budgétaires convaincantes.

Alan Ruskin, analyste obligataire à la banque allemande, décrivait le risque, si jamais ces mesures devaient décevoir les agences, d'un «abaissement de plusieurs crans», avec «des effets de contagion clairs» vers des emprunteurs publics et parapublics, voire privés.