La Réserve fédérale américaine (Fed) est prête à assouplir davantage sa politique monétaire si la désinflation persistante devait le justifier. En attendant, elle s'est contentée hier de reconduire la fourchette de négociation de 0% à 0,25% de son taux directeur, mise en place en décembre 2008, «pour une durée prolongée».





L'autorité monétaire s'engage encore aussi à acheter des Treasuries avec le produit des valeurs mobilières dans son portefeuille qui arrivent à échéance. Ne pas le faire reviendrait à retirer du stimulus monétaire alors que le crédit reste rare pour les ménages et les PME.



«Le Comité de politique monétaire va continuer de surveiller les développements économiques et financiers, lit-on dans le communiqué faisant part de sa décision. Il est prêt à fournir un assouplissement additionnel si nécessaire pour appuyer la reprise et pour pousser l'inflation, avec le temps, à des niveaux conséquents avec son mandat.»

Le mandat de la Fed est double: assurer la stabilité des prix et optimaliser le taux d'emploi. Présentement, le taux d'inflation de base (sans les aliments ni l'énergie) se situe à 0,9% depuis cinq mois, soit deux fois moins que la zone de confort de la Fed. Le taux de chômage continue de soulever les craintes à 9,6%, mais c'est surtout l'inflation anémique qui paraît inquiéter le comité présidé par Ben S. Bernanke.

Le statu quo n'aura guère surpris les investisseurs qui l'ont néanmoins accueilli favorablement. Dans les minutes suivant l'annonce, les grands indices boursiers nord-américains se sont appréciés d'une cinquantaine de points. Ces gains se sont effrités par la suite.

On ne s'attendait pas à un virage important à cette réunion-ci, la dernière avant les élections de mi-mandat. La prochaine aura lieu le 3 novembre, au lendemain du rendez-vous électoral, la suivante en décembre. D'ici là, les autorités monétaires auront le loisir d'étudier une flopée de données.

«Le communiqué établit clairement que l'assouplissement quantitatif n'est pas écarté, mais il n'est pas assuré non plus, souligne James Marple, économiste principal à la Banque TD. Il ne semble pas y avoir de consensus à ce sujet au sein de la Fed.»

Comme c'est le cas depuis le début de l'année, Thomas M. Hoenig a exprimé sa dissidence. À ses yeux, nourrir les attentes que la Fed va maintenir son taux directeur au niveau exceptionnellement faible actuel n'est plus requis. «Cela va entraîner de nouveaux déséquilibres qui vont miner une croissance stable à long terme», lit-on dans le communiqué où est résumé le motif de sa dissidence.

Sur le plan économique, l'autorité monétaire constate peu de changements depuis sa réunion du 10 août. Elle précise néanmoins que les investissements augmentent, bien que moins rapidement, tandis que les banques prêtent toujours moins, mais la contraction du crédit est moins brutale.

Le communiqué précise aussi que les mises en chantier restent déprimées. Moins mauvaises qu'en juillet, les données d'août n'ont rien de réjouissant. «C'est mieux que les bas-fonds atteints au pire de la récession, mais c'est aussi l'équivalent de seulement 26% des mises en chantier effectuées à leur sommet de 2006», signale Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins.

L'inflation

Le Comité de politique monétaire insiste davantage cette fois-ci sur l'inflation. Il affirme qu'elle va rester en deçà de sa zone de confort durant un moment avant d'augmenter à des niveaux plus conformes à son mandat de stabilité des prix.

«Tout est désormais question d'inflation, ou plutôt de manque d'inflation, résume Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. La clarté du communiqué (d'hier) reflète peut-être un consensus naissant au sein de la Fed en vertu duquel le risque de déflation augmente et doit être endigué (avec de l'assouplissement quantitatif) s'il persiste.»

En se montrant décidée à combattre tout risque de baisse généralisée des prix, la Fed entend éviter que les attentes déflationnistes s'enracinent. Si tel devait être le cas, l'économie pourrait rechuter en récession ou, dans le meilleur des cas, traverser une période prolongée de stagnation susceptible d'accroître le chômage, comme ce fut le cas au Japon durant les années 90.