Des chiffres publiés lundi par le département du Trésor sont venus confirmer une tendance inquiétante pour Washington: le moindre appétit des Chinois, premiers créanciers des États-Unis, pour la dette publique américaine.

En juin, les Chinois (hors Hong Kong) détenaient 843,7 milliards de dollars de bons du Trésor, soit 2,8% de moins que le mois précédent, et le plus bas niveau depuis au moins un an.

Le gouvernement et les économistes considèrent avec prudence ces variations mensuelles. Il est généralement admis que les avoirs des Chinois sont sous-estimés, car ceux-ci peuvent détenir des bons du Trésor enregistrés à Londres ou Hong Kong.

Mais la tendance semble installée: depuis un pic de leurs avoirs entre juillet et octobre 2009, les Chinois se délestent lentement de la dette publique américaine.

Parmi les grands créanciers de Washington, ils sont les seuls à le faire. À ce rythme, les Japonais (qui détiennent 803,6 milliards de dollars, d'après le Trésor) pourraient reprendre avant la fin de l'année une première place qu'ils avaient cédée en septembre 2008.

«Les ventes de bons du Trésor par la Chine rappellent la mainmise qu'a ce pays pour fixer sa propre politique de changes à l'encontre des intérêts américains», ont estimé les analystes d'Econoday.

Le mois de juin a été marqué par une nette inflexion dans les relations économiques entre la Chine et les États-Unis, Pékin annonçant qu'il allait permettre à sa monnaie, le yuan, de flotter plus librement après près de deux ans d'arrimage au cours du dollar.

Depuis, le yuan ne s'est que très peu réévalué face à la monnaie américaine.

Pékin n'a jamais ouvertement menacé de vendre en masse la dette américaine et de fragiliser l'édifice de dette publique sur lequel repose la politique économique de Barack Obama. Mais chaque déclaration venue de Pékin sur la gestion de ses colossales réserves en devises étrangères (plus de 2.400 milliards de dollars) fait trembler en Occident.

La Chine, auquel le gouvernement japonais a reconnu lundi le statut de deuxième économie mondiale, distille parfois des indices selon lesquels la dette publique d'un pays est moins en grâce.

Lundi, un ancien conseiller de la banque centrale, Yu Yongding, membre d'un comité consultatif qui s'est rendu en Europe pour le gouvernement fin juin et début juillet, a parlé favorablement du continent et défavorablement des États-Unis.

«Nous n'avons pas vendu d'obligations ou d'actifs européens, au contraire nous en avons acheté en grand nombre», a-t-il dit dans un entretien à l'agence de presse financière américaine Bloomberg News.

«La diversification devrait être un principe de base», a-t-il ajouté. Ce terme désigne de manière diplomatique la réduction du poids de la dette américaine dans les coffres de Pékin.

Mais avec ou sans acheteurs chinois, le Trésor américain n'éprouve aucune difficulté à placer une dette qu'il émet dans des proportions gigantesques.

En juin, les investisseurs étrangers en ont encore acheté un montant net de 33,3 milliards de dollars. Plus d'un tiers de ces achats a été effectué par des banques centrales ou des fonds souverains.

Et lundi, le rendement du bon du Trésor à 10 ans était au plus bas depuis mars 2009, à 2,59%, signe de la confiance des investisseurs étrangers.