Le gendarme de la Bourse américaine, la SEC, a fait preuve d'une détermination renouvelée en portant plainte vendredi contre la banque Goldman Sachs, le jour même où un rapport interne critiquait sa passivité face à la fraude orchestrée par le milliardaire Allen Stanford.

Vendredi, c'est son visage le plus offensif que la SEC a montré en annonçant la plainte contre Goldman Sachs, accusé d'avoir trompé ses clients avec un véhicule d'investissement adossé à des crédits immobiliers à risque.

«C'est un cap pour la SEC», a souligné vendredi soir l'avocat Jacob Zamansky, un spécialiste du droit boursier interrogé sur la chaîne de télévision CNBC.

Non seulement la SEC s'en prend à la banque la plus prestigieuse de Wall Street, qui dispose du plus de relations dans les cercles du pouvoir - Goldman a notamment recruté un ancien président de la SEC en juin -  mais en plus elle menace de ne pas en rester là.

L'un de ses dirigeants, Robert Khuzami, n'a pas exclu que d'autres banques puissent être la cible d'accusations similaires. «Nous continuons à examiner les produits (d'investissement) structurés», a-t-il dit aux journalistes, indiquant clairement que le dossier n'était pas clos.

M. Khuzami, autrefois procureur à New York, a pris ses fonctions l'an dernier après l'arrivée à la présidence de la SEC de Mary Shapiro, nommée par le président Barack Obama pour succéder à l'ancien président Chris Cox, jugé excessivement proche des milieux financiers. Il est crédité d'avoir renforcé les effectifs des équipes d'enquête.

L'inculpation de Goldman Sachs donne soudainement du crédit aux promesses répétées de la SEC d'être plus offensive pour protéger les investisseurs.

Elle intervient également au moment où un rapport officiel, publié vendredi, dénonce la passivité de la SEC dans une autre affaire.

Selon ce rapport, des employés texans de la SEC «savaient depuis 1997 que Robert Allen Stanford gérait probablement une fraude à la Ponzi» (ndlr: une fraude pyramidale où les premiers investisseurs sont rémunérés par les dépôts d'investisseurs ultérieurs, sans réelle création de valeur). Et pourtant, «aucune mesure significative n'a été prise pour enquêter».

M. Stanford risque 375 ans de prison s'il est reconnu coupable d'avoir organisé une escroquerie de 8 milliards de dollars, sur le même modèle que celle du financier Bernard Madoff, condamné lui à 150 ans de prison.

Dans certains cas, la SEC s'est aussi retrouvée accusée d'indulgence. L'été dernier la justice a refusé d'entériner l'amende de seulement 33 millions de dollars qu'elle avait infligée à Bank of America, pour un litige portant sur le versement de 3,6 milliards de dollars de primes. L'amende a été portée à 150 millions de dollars avant d'être validée.

Avec le dossier Goldman Sachs, la SEC pourrait redorer son blason en donnant des gages de son indépendance.

Déjà mardi elle avait porté plainte pour corruption active contre le fonds d'investissement Quadrangle, dont l'un des fondateurs est l'influent Steven Rattner, qui en 2009 a chapeauté le groupe de travail de l'administration Obama sur l'automobile.

Reste que le regain d'agressivité de la SEC ne fait pas l'unanimité.

Certains observateurs estiment que le dossier est faible contre Goldman Sachs. D'autres, qu'elle se livre à une «chasse aux socières» médiatique pour faire oublier son inaction contre les escroqueries de Stanford et Madoff, comme le disait samedi sur son blog le financier Fred Destin, du fonds Atlas Ventures.