Sans modifier son taux directeur, la Réserve fédérale américaine adopte un ton plus positif, présage d'un début de resserrement monétaire, dans quelques mois.

Cela pourrait même survenir plus tôt que maints observateurs le croient, compte tenu qu'une première dissension en un an sur la conduite de la politique monétaire s'est manifestée.

Le président de la Fed de Kansas City, Thomas M. Hoenig, justifie sa dissidence en alléguant que «les conditions économiques et financières ont changé suffisamment pour que l'expectative de taux des Fed Funds exceptionnellement faibles pour une période prolongée ne soit plus garantie».

Cette dissidence survient la veille où le Sénat doit voter sur la reconduction du président de la Fed, Ben S. Bernanke, pour un deuxième mandat. Elle a d'abord été accueillie nerveusement en Bourse, mais les grands indices ont par la suite épongé toutes les pertes enregistrées avant l'annonce.

Les neuf autres membres du Comité de politique monétaire (FOMC) présidé par M. Bernanke ont sans doute rassuré les investisseurs au bout du compte. Ils ont choisi de conserver l'expression «exceptionnellement bas pour une durée prolongée» qui figure dans les communiqués de la Fed depuis plus d'un an maintenant. Le taux directeur continuera donc de se négocier dans la fourchette historiquement faible de zéro à 0,25%.

«Nous considérons cette dissension comme un possible signe annonciateur d'un changement de discours de la Fed au cours des prochains mois», croient Stéfane Marion et Yanick Desnoyers, de la Financière Banque Nationale.

Le point de vue de M. Hoenig transparaît même dans le communiqué du FOMC qui compte quatre nouveaux membres (dont M. Hoenig) sur dix.

Dans leur annonce de mi-décembre, les autorités monétaires notaient «des améliorations en cours dans le fonctionnement des marchés financiers». Hier, ils parlaient plutôt de leur «fonctionnement amélioré».

Qualifiée de «faible» en décembre, l'activité économique est désormais perçue comme «modérée». Surtout, la Fed ne se sent plus obligée de mentionner que «les mesures adoptées pour stabiliser les institutions et les marchés financiers de même que les stimuli fiscaux et monétaires» vont contribuer au renforcement de la croissance.

La Fed croit désormais plutôt à un recours graduel à une plus grande utilisation des capacités de production d'autant plus que les entreprises semblent se remettre à acheter des logiciels et autres matériaux.

«Le choix des mots pour décrire la reprise est plus optimiste, résumaient Derek Holt et Karen Cordes, économistes chez Scotia Capitaux, dans une note à leurs clients. À juste titre, puisque c'est deux jours avant l'annonce de très bons chiffres de croissance économique pour le quatrième trimestre 2009.»

Bien des observateurs tablent sur un bond de plus de 4% du PIB propulsé par les activités de restockage et par l'effet maximal du plan de relance de l'administration Obama.

Ils sont d'avis que le resserrement monétaire devrait être amorcé dès l'été.

Tel n'est pas l'avis de Millan Mulraine, stratège chez Groupe financier Banque TD qui voit le taux directeur près de zéro toute l'année durant. «La Fed commence peut-être à modifier le libellé de ses communiqués pour préparer les marchés à une éventuelle hausse de taux», reconnaît-il tout de même.

La Fed atténue aussi son pessimisme sur les faibles perspectives d'inflation. En décembre, elle anticipait que l'inflation demeure «contenue pour un moment». S'ajoute cette fois-ci le bémol «sans doute» (likely).

La Fed déplore toujours que les activités de prêts des banques demeurent en contraction. «Le principal barême d'efficacité d'une politique monétaire est son reflet sur l'évolution du crédit, rappelle Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Tant que le crédit n'est pas plus vigoureux, un redressement des taux directeurs n'est ni nécessaire, ni souhaitable.»