La LNH peut-elle interdire à Jim Balsillie de devenir propriétaire d'une équipe? Peut-elle refuser le déménagement d'une équipe à Hamilton ou à Québec? Peut-elle forcer le Canadien de Montréal à lui verser les revenus de son contrat de télédiffusion avec RDS? Peut-elle mettre fin au système des joueurs autonomes sans consulter les joueurs?

Autant de questions sans réponse juridique définitive, diront les spécialistes du droit sportif.

Plus pour longtemps: la Cour suprême des États-Unis se penche aujourd'hui à Washington sur un litige opposant la NFL à American Needle qui pourrait changer le cadre juridique du sport professionnel.

Certains juristes pensent même qu'il s'agit de la plus importante cause de droit sportif en Amérique du Nord depuis plusieurs décennies.

Le plus haut tribunal américain doit répondre à la question suivante: aux fins du droit de la concurrence, une ligue est-elle une seule entité ou un regroupement d'entités distinctes (les équipes)? Selon sa réponse, la Cour suprême pourrait diminuer considérablement l'application des lois antimonopoles, considérées comme l'épée de Damoclès des ligues professionnelles, dans le milieu du sport. «Jusqu'à maintenant, les ligues ne prenaient pas certaines décisions car le risque de perdre leur cause en cour était trop grand», dit Gary R. Roberts, doyen de la Faculté de droit de l'Université de l'Indiana et spécialiste en droit du sport et du droit de la concurrence.

Origine

Les faits à l'origine du litige qui pourrait tout changer remontent à l'an 2001. La NFL signe alors un contrat exclusif de fabrication de ses produits dérivés avec Reebok. Auparavant, la NFL séparait ses produits dérivés entre plusieurs entreprises, dont American Needle qui l'a poursuivie en vertu des lois antimonopoles.

Traditionnellement considérées comme des entités distinctes (distinct entities) aux fins du droit de la concurrence, les équipes de sport professionnel peuvent ainsi être accusées de collusion en vertu de la partie I du Sherman Act. Si les équipes étaient plutôt considérées comme une entité unique (single entity), elles seraient exonérées automatiquement des poursuites de collusion. C'est ce que la NFL recherche dans son litige l'opposant à American Needle. «Les ligues pourraient bloquer sans problème l'arrivée d'un nouveau propriétaire ou le déménagement d'une équipe, dit le professeur Gary R. Roberts. Elles pourraient aussi forcer les équipes à partager leurs revenus de télévision. Leurs décisions internes ne pourraient plus être attaquées d'office selon les lois antimonopoles, tout comme les décisions internes d'une entreprise comme GM.»

Dans cette affaire, la Cour d'appel du 7e Circuit a conclu que la NFL était une entité unique seulement aux fins de son entente de commercialisation avec Reebok. Après sa défaite, American Needle a porté sa cause en appel. Chose plutôt rare, la NFL a aussi porté la décision en appel dans l'espoir d'élargir son application à l'ensemble de ses activités, pas seulement à ses ententes de commercialisation.

La Cour suprême des États-Unis entendra les parties aujourd'hui, mais ne rendra sa décision qu'en juin. «La NFL devrait gagner sa cause, mais il faudra voir l'ampleur de sa victoire, dit le professeur Gary R. Roberts. La Cour suprême pourrait dire que la ligue est une entité distincte pour des fins de commercialisation, mais pas aux fins des relations de travail ou de la relocalisation des équipes.»

Même en cas de victoire juridique de la NFL, Gary R. Roberts est d'avis qu'une ligue ne pourra modifier son plafond salarial et son système de joueurs autonomes sans un accord avec l'association des joueurs.

Une victoire de la NFL ne signifierait pas non plus une exemption totale des lois antimonopoles. «La NFL serait ensuite traitée comme n'importe quelle entreprise, dit le professeur Roberts. Si la NFL posait des gestes anticoncurrentiels, ils seraient condamnables par une autre partie du Sherman Act.»

La LNH n'est pas une partie au litige, mais elle a déposé un mémoire à la Cour suprême des États-Unis en appui à la NFL. «Si une équipe n'était pas membre de la LNH, elle n'aurait pas de valeur économique significative (...) la menace d'une poursuite plane sur toutes les décisions collectives internes de la LNH», peut-on lire dans le mémoire de la LNH.