Après avoir injecté 700 milliards US à l'automne 2008, le gouvernement américain avait les coudées franches pour faire le ménage à Wall Street en 2009. Un an plus tard, Wall Street s'en tire sans réforme majeure et recommence à distribuer ses généreux bonus. Comme si la crise financière n'était plus qu'un lointain souvenir. «Tout le monde était certain qu'il y aurait une réforme du milieu financier en 2009, mais presque rien n'a été fait», dit Francis Généreux, économiste au Mouvement Desjardins.

En juin dernier, l'administration Obama a présenté sa réforme du système financier, proposant notamment de donner davantage de pouvoirs à la Réserve fédérale et de créer une agence fédérale de protection financière des consommateurs. «La Fed veut devenir le super-régulateur du système, mais il y a un débat autour de cette question, dit Carlos Leitao, économiste en chef de la Banque Laurentienne. Une chose est certaine: c'est difficile de faire des changements importants au système sans avoir une entité centrale de réglementation.»

Le président américain Barack Obama a sermonné les banquiers à plusieurs reprises au cours de la dernière année. Il les a même traités de «banquiers gras durs» (fat-cat bankers), mais son projet de loi ne taxe pas leurs bonus. Le Sénat doit ratifier cette réforme au début de 2010.

«Personne n'aime ce projet de loi, dit à La Presse Affaires l'économiste Jeffrey Frankel, professeur à l'Université Harvard et ancien conseiller de l'administration Clinton. Je comprends la réaction des gens car les banquiers agissent comme s'ils n'avaient pas compris à quel point ils ont foutu le bordel, notamment en allouant d'autres bonus. En même temps, l'objectif de sauver Wall Street n'était pas de sauver les banquiers, mais l'économie en général. Quand il y a un feu, les pompiers viennent l'éteindre même si c'est le propriétaire de la maison qui a causé l'incendie. Vous éteignez le feu parce que vous ne voulez pas qu'il se propage.»

Même si la réforme Obama n'est pas parfaite, Carlos Leitao croit que le système financier américain est mieux protégé qu'avant la crise de l'automne 2008. «Les banques américaines sont maintenant toutes clairement sous la supervision de la Fed, dit Carlos Leitao. Avant, des institutions financières comme Goldman Sachs et Merrill Lynch ne l'étaient pas.»

Jeffrey Frankel, économiste en chef du Conseil des conseillers économiques sous l'administration Clinton, est aussi d'avis que le plan de sauvetage de Wall Street - négocié par l'administration Bush mais géré par l'administration Obama - donne de bons résultats jusqu'à maintenant. «Le gel du système financier est derrière nous, dit-il. Les banques n'ont pas eu besoin d'être nationalisées et elles ont repayé les prêts avec intérêt.»

Le plan de relance Obama

L'autre grand chantier économique de l'administration Obama? Son plan de relance de l'économie annoncé en février, quelques semaines après l'assermentation du président. Un plan de 787 milliards US saupoudrés en dépenses gouvernementales et en baisses d'impôt. Le plan Obama ne manque pas de critiques, même au sein de la grande famille démocrate. L'économiste et chroniqueur du New York Times Paul Krugman, qui a reçu le dernier prix Nobel d'économie, le juge insuffisant.

«C'est vrai que la taille du plan de relance n'était pas suffisante pour revenir au plein emploi, mais ce n'était pas possible d'en faire plus sur le plan politique, dit Jeffrey Frankel. Aussi, un plan plus important aurait commencé à remettre en question la crédibilité du Trésor américain sur sa capacité d'emprunt. Au fond, le plan Obama a fonctionné. L'économie américaine a connu une année aussi bonne que possible dans les circonstances, considérant qu'elle venait de faire face à la pire récession depuis la Grande Dépression.»

Carlos Leitao se range aussi du côté du président Obama. «Certains aspects du plan ont donné des résultats mitigés, notamment l'aide au secteur automobile, mais c'est facile à dire après coup, dit l'économiste en chef de la Banque Laurentienne. Les choses bougeaient extrêmement rapidement il y a un an. Dans les circonstances, les gouvernements et les banques centrales du monde entier ont réagi très rapidement. Ça a fait la différence entre une récession profonde comme celle que nous avons connue et une dépression. Le plan Obama n'a pas été un succès à 100%, mais il a réussi à sauver le système.»