La banque d'affaires Goldman Sachs, la plus puissante de Wall Street et l'une des plus controversées, a annoncé jeudi que ses dirigeants ne toucheraient pas de prime en numéraire cette année, alors que se poursuit le débat sur les rémunérations dans les banques.

À la place du gros chèque censé être indexé sur la performance de la banque et des différents services dont ils ont la charge, les 30 principaux dirigeants de Goldman Sachs recevront des actions, avec interdiction de les liquider avant cinq ans.

Si le cours de Bourse de la banque s'effondre d'ici là (il a plus que doublé en un an et depuis 1999), ils en feront donc les frais.

Les primes représentent «la plus grande part» de la rémunération de ces dirigeants, a indiqué la banque dans un communiqué, sans en préciser les montants.

Goldman Sachs ne rend publics que les salaires annuels de cinq de ses principaux dirigeants. Ils sont plafonnés à 600 000$ depuis l'entrée en Bourse en 1999.

En outre, la banque a mis en place un mécanisme qui permettra de retirer ces actions à leurs bénéficiaires «si un employé s'est livré à des analyses de risque manifestement inadéquates ou ne signale pas assez vigoureusement certains risques» pris.

«Nous pensons que notre politique de rémunération est la plus forte du secteur, et permet que la rémunération reflète bien la performance de l'établissement en encourageant des comportements qui sont dans l'intérêt du public et de nos actionnaires», a souligné le PDG Lloyd Blankfein, cité dans un communiqué.

La banque n'a pas nommé les 30 personnes concernées par cette politique, mais un porte-parole, Samuel Robinson, a indiqué qu'il s'agissait notamment des principaux responsables des activités de courtage, traditionnellement ceux dont la rémunération peut évoluer le plus favorablement en cas d'année faste en gains, fussent-ils de court terme.

Cette nouvelle politique, sur laquelle les actionnaires seront appelés à se prononcer lors de leur prochaine assemblée générale, intervient alors que le débat sur les bonus dans les banques vient de rebondir avec la proposition de Londres et Paris de taxer les plus forts bonus bancaires.

Dans une tribune conjointe publiée jeudi par le Wall Street Journal, le premier ministre britannique Gordon Brown et le président français Nicolas Sarkozy ont préconisé «un impôt exceptionnel assis sur les primes versées», «parce que les bonus pour 2009 sont en partie le résultat du soutien apporté par les États au système bancaire».

Aucun système similaire n'a été évoqué aux États-Unis, où il semble difficilement imaginable vu les critiques déjà essuyées par l'administration Obama dans les milieux libéraux pour son interventionnisme.

Mais l'initiative de Goldman Sachs, qui n'est plus soumise à un droit de regard du Trésor sur ses rémunérations depuis qu'elle a remboursé les 10 milliards de dollars accordés durant la crise financière de 2008, lui permet au moins de racheter son image.

Elle constitue aussi une surprise: la banque avait mis de côté près de 17 milliards de dollars depuis le début de l'année pour financer les salaires, primes et autres avantages de ses employés, laissant attendre une saison des primes exceptionnellement faste.

À plusieurs reprises ces derniers mois, M. Blankfein a également défendu les rémunérations élevées de ses employés, invoquant la nécessité de les garder «contents» pour éviter une fuite des talents.

«Lier davantage les rémunérations à la performance est quelque chose que (Goldman) soutient», avait-il toutefois nuancé lors d'une conférence à New York le mois dernier.

L'action Goldman Sachs gagnait 0,52% à 167,34 dollars vers 13h.