La banque centrale des États-Unis (Fed) a mis en garde mercredi contre tout excès d'optimisme à propos de l'état de l'économie américaine et de ses perspectives, et a défini trois axes qui guideront sa stratégie de sortie de crise.

À l'issue de deux jours de réunion à Washington, le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) a indiqué que la première économie mondiale «continuait de se redresser, mais pas au point de lui permettre de changer sa politique de taux quasi-zéro en vigueur depuis la mi-décembre 2008, ni de modifier radicalement ses mesures de soutien au crédit et à l'immobilier, qui mobilisent des centaines de milliards de dollars.

Le FOMC a répété dans son communiqué final que les conditions économiques étaient «susceptibles de justifier» le maintien du taux directeur à un «niveau extrêmement bas ... pendant une longue période».

Mais le communiqué du FOMC détaille pour la première fois ces conditions: un «faible taux d'utilisation des ressources productives, une tendance de l'inflation à la modération, et des attentes d'inflation stables».

Cette énumération est un message adressé aux marchés sur les trois variables qui détermineront l'action de la Fed dans les mois à venir.

Pour Ian Shepherdson, économiste de l'institut HFE, «l'utilisation des ressources signifie plus le taux de chômage que les capacités industrielles en langage de la Fed.»

«La banque centrale, ajoute-t-il, est toujours obsédée par ces trois variables, mais le fait qu'elle les énonce maintenant signale ce qui devra changer» avant une hausse des taux qui n'arrivera pas, selon lui, avant «plus d'un an».

Pour l'heure, c'est le statu quo. Le FOMC estime que la conjoncture des marchés financiers n'a «globalement pas changé» depuis septembre et que les dépenses des ménages, moteur traditionnel de l'économie américaine, «restent entravées» par la montée continue du chômage ou la difficulté à obtenir des crédits.

Les États-Unis sont sortis de la récession pendant l'été, mais deux indicateurs publiés mercredi, l'enquête du cabinet ADP sur l'emploi dans le secteur privé et l'indice ISM d'activité dans les services, sont venus rappeler à quel point il y a loin de cette reprise à un rétablissement complet de l'économie.

À deux jours de la publication du rapport officiel sur l'emploi en octobre qui devrait faire apparaître une montée du taux de chômage à 9,9%, un nouveau point haut depuis plus de 26 ans, ces deux études ont témoigné de licenciements encore très forts dans les services et dans les PME, deux forces vitales pour le pays.

La banque centrale a manifesté en octobre la crainte que le chômage - qui devrait continuer de monter encore plusieurs mois - ne descende pas sous son niveau actuel en 2010.

Mais le FOMC a cherché mercredi à rassurer en précisant expressément que l'absence d'inflation lui laissait pour l'instant tout loisir de maintenir, à quelques ajustements techniques près, son arsenal anti-crise en place le plus longtemps possible pour permettre à l'économie de revenir à un stade ou elle sera capable de créer de nouveau des emplois.

Reprenant le triptyque du FOMC, l'économiste indépendant Joel Naroff explique que «la Fed ne craindra pas l'inflation tant que la capacité d'utilisation des ressources ne se raffermit pas vraiment et que les attentes d'inflation à long terme restent stables».

Selon lui, il ne faut pas s'attendre à une hausse de taux avant que la Fed «juge que l'économie est revenue à une croissance durable».