Les enquêteurs du gouvernement fédéral américain projettent de porter des accusations de délits d'initiés à l'encontre d'au moins 10 professionnels du commerce des valeurs mobilières aux États-Unis. Certains seraient liés à l'affaire criminelle impliquant le gestionnaire milliardaire de fonds spéculatifs, Raj Rajaratnam, une affaire qui a secoué Wall Street la semaine dernière, ont indiqué des personnes au fait du dossier.

Le coup de filet que les autorités s'apprêtent à réaliser, qui fera suite à une enquête de plus de deux ans et qui concerne l'une des plus importantes opérations d'infiltration dans le domaine des délits d'initiés, pourrait se traduire par des accusations à l'encontre de gestionnaires de fonds spéculatifs et de leurs adjoints dès cette semaine, ont précisé les sources, qui ont requis l'anonymat parce que les causes ne sont pas publiques. Les autorités avaient prévu d'arrêter M. Rajaratnam cette semaine dans le cadre d'un coup de filet plus vaste, mais elles ont décidé d'intervenir plus tôt après avoir appris que le suspect avait acheté un billet d'avion pour se rendre à Londres vendredi dernier, a dit l'une des sources.

L'affaire Rajaratnam, dont les éventuelles accusations à porter contre lui reposent sur des conversations enregistrées avec un réseau de présumés conspirateurs, offre un aperçu sur la manière dont les enquêteurs américains font appel à des tactiques plus audacieuses pour cerner les transactions illégales tapies dans un nuage d'investissements effectués par des fonds spéculatifs. Des enquêtes additionnelles découlent d'un projet secret de dépistage de données effectué par la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse aux États-Unis, et mis sur pied pour trouver avec précision des groupes de gens qui effectuent des placements «opportunistes» semblables. Certaines enquêtes, comme celle contre M. Rajaratnam, reposent sur de l'écoute.

«Si vous avez l'intention de viser le roi, vaut mieux viser pour tuer», lance Bradley Bennett, associé du cabinet d'avocats Baker Botts, à Washington, qui s'était spécialisé dans les affaires de délits d'initiés lorsqu'il était enquêteur à la SEC. «S'ils s'attaquent à un milliardaire, ajoute-t-il, il leur faut les arguments les plus solides possible. Les propres paroles du défendeur sont les meilleures preuves qui soient.»

John Heine, porte-parole de la SEC, a refusé de faire des commentaires sur l'affaire tout comme Alejandro Miyar, porte-parole du département américain de la Justice.

18 millions US

M. Rajaratnam, qui a fondé Galleon Group en 1997, a été arrêté vendredi dernier avec cinq complices présumés. Selon les procureurs, M. Rajaratnam et sa firme ont raflé jusqu'à 18 millionsUS en faisant des placements après avoir obtenu des tuyaux d'un fonds spéculatif, d'une firme de notation de crédit et d'employés au sein de sociétés telles qu'Intel Capital, McKinsey&Co. et IBM Corp. IBM a annoncé hier la mise en congé temporaire de l'un de ses cadres, Robert Moffat, qui est un des présumés conspirateurs de M. Rajaratnam et contre qui des accusations ont été portées.

M. Rajaratnam, né au Sri Lanka, a des avoirs nets de 1,3 milliardUS. Au début des années 2000, son fonds Galleon figurait parmi les 10 plus gros fonds spéculatifs au monde et il gérait des actifs de 7 milliardsUS à son sommet en 2008.