L'ancien shérif de Wall Street, Eliot Spitzer, est déçu de la réforme de la réglementation des banques entreprise par l'administration Obama, qu'il qualifie de «jeu de chaises musicales».

«Je ne crois pas que la réforme de l'administration Obama va assez loin. Elle ne fait que rebâtir le statu-quo, que déplacer les boîtes dans la maison. C'est davantage un jeu de chaises musicales réglementaires qu'une réforme sur le rôle que doivent jouer les banques», a dit l'ancien procureur général et gouverneur de l'État de New York au cours d'une entrevue exclusive à La Presse Affaires. En juin dernier, Barack Obama a présenté sa réforme de la réglementation du système financier américain. Le président propose de donner davantage de pouvoirs à la Réserve fédérale et de créer une agence fédérale de protection financière des consommateurs. Plusieurs projets de loi sont présentement à l'étude par le Congrès.

Eliot Spitzer doute que la Réserve fédérale soit l'institution la mieux placée afin de gérer les risques sur les marchés. Selon l'ancien procureur général de New York, la Fed avait déjà cette responsabilité avant la crise financière, mais Alan Greenspan et son successeur, l'actuel gouverneur Ben Bernanke, ont failli à leur tâche. «Au plan académique, ils comprenaient que c'était leur rôle, mais ils n'avaient pas la même vision au plan idéologique. Ils n'ont pas assumé leur rôle», dit-il.

L'ancien gouverneur démocrate a aussi des réserves sur d'autres membres de sa famille politique, dont le secrétaire au Trésor Timothy Geithner. «Quand il était président de la Réserve fédérale de New York, Geithner n'a pas porté attention aux problèmes de risques sur les marchés, dit Eliot Spitzer. Il a fait exactement ce que les banques new-yorkaises voulaient qu'il fasse. Évidemment, c'est facile de critiquer a posteriori – je le sais pour avoir fait de la politique assez longtemps – mais Geithner et les autres doivent être plus agressifs dans leurs actions à l'égard des banques.»

La dette, toxique pour l'économie

Si Eliot Spitzer, simple citoyen depuis sa démission comme gouverneur de New York en mars 2008 à la suite de son implication comme client dans un réseau de prostitution, s'intéresse autant au sort des institutions financières, c'est qu'il considère l'endettement comme une pollution de l'économie.

«La dette est à l'économie ce que les émissions de gaz à effet de serre sont à l'environnement, dit-il. C'est facile de dire que prendre sa voiture pour conduire deux milles ne fait pas de différence. Si tout le monde ne prenait pas sa voiture, ça ferait une énorme différence. C'est la même chose pour les risques sur les marchés, qui peuvent être dévastateurs au plan structurel pour l'économie.»

Eliot Spitzer fait-il confiance à Wall Street pour ne pas répéter les mêmes erreurs qui ont mené à la crise financière? «Wall Street peut et va se discipliner durant des courtes périodes, dit l'ancien procureur général de New York. La question, c'est plutôt combien de temps il faut aux gens pour oublier. Nous vivons ces spasmes dans les marchés et nous oublions aussi vite que possible. Nous rationalisons ensuite la crise suivante en disant que nous serons meilleurs la prochaine fois, mais c'est le même film qui repasse.»