Le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner a déclaré vendredi qu'il voulait pousser à la normalisation des produits dérivés s'échangeant de gré à gré, en durcissant les normes de prudence pour les contrats de ce type.

«Nous proposons d'encourager, par des obligations de fonds propres et d'autres mesures, un usage substantiellement plus fort de produits dérivés échangés de gré à gré normalisés, et faciliter de la sorte une migration importante de ces produits vers des chambres de compensation et d'échanges», a déclaré M. Geithner devant deux commissions parlementaires. M. Geithner témoignait sur la réforme de ces produits dérivés à l'origine d'une bonne partie des dérèglements du système financier ayant entraîné la crise actuelle.

Le ministre a répété que tous les produits normalisés devraient s'échanger à l'avenir par l'intermédiaire de chambres de compensation, conformément au projet de réforme de la régulation financière présenté mi-juin par le président américain Barack Obama.

Reste encore à définir ce qu'est un produit dérivé normalisé, ce qui n'est pas une mince affaire, ainsi que l'a reconnu le ministre.

Rappelant les objectifs de la réforme, M. Geithner a souligné que le but était de parvenir «à une supervision complète de tous les» dérivés, produits financiers qui se sont développé à un rythme effréné et pratiquement hors de tout contrôle, notamment ceux qui s'échangent de gré à gré, pendant près de deux décennies.

Alors qu'ils étaient quasiment inexistants au début des années 1990, la valeur de réalisation de ces produits atteignait près de 592 000 milliards de dollars fin décembre 2008, pour une valeur marchande de 33,9 milliards de dollars, selon la Banque des règlements internationaux (BRI), l'un des rares organismes à publier des chiffres sur ce marché.

Créés initialement comme des contrats d'assurance pour contrebalancer des positions prises par des opérateurs sur les marchés ou couvrir certains risques, les produits dérivés s'échangeant de gré à gré se sont révélé être de formidables outils de spéculation dans la mesure où ils s'assimilent à un pari sur la réalisation ou non d'une hypothèse (le franchissement d'un certain seuil par le prix du pétrole, ou le défaut de paiement de telle entreprise, par exemple).

Alors que plus de 70% du volume de l'activité touchant à ces produits a trait à la couverture du risque de taux de changes, ce sont surtout les produits assurant contre le risque de défaut de crédit, les CDS (pour «credit defaut swap», en anglais), qui ont fait parler d'eux au moment du pic de la crise financière.

Vendus à tour de bras par l'assureur AIG, ils ont entraîné sa faillite en septembre 2007 quand il est apparu que celui-ci n'avait pas les moyens de faire face à ses engagements avec la multiplication des défaillances sur les emprunts immobiliers ou autres.

En conséquence, a expliqué M. Geithner vendredi, le gouvernement souhaite relever les normes de fonds propres de tous les émetteurs de produits dérivés, et plus spécialement pour ceux émettant des produits non normalisés, jugés plus risqués.

Défendant devant des parlementaires sceptiques l'utilité des produits dérivés, M. Geithner a estimé qu'il n'était «ni nécessaire ni approprié d'interdire» les CDS comme le lui proposait un de ses interlocuteurs.