On ne résoudra pas l'actuelle crise économique tant que les autorités politiques ne prendront pas leurs distances du secteur financier, a soutenu mercredi l'économiste de réputation mondiale, Jeffrey Sachs.

«L'instabilité découle clairement du fait que notre industrie financière a pris le contrôle de notre gouvernement, alors que nos dirigeants politiques auraient dû réglementer notre industrie financière», a déclaré M. Sachs au cours d'un discours prononcé dans le cadre du Sommet du millénaire, à Montréal.

«Aux États-Unis, c'est devenu si flagrant qu'essentiellement, Washington téléphonait à Wall Street en leur disant «envoyez-nous le prochain secrétaire au Trésor, SVP'«, a raillé l'expert, qui dirige l'Earth Institute de l'Université Columbia, à New York.

«Et ces gens ont écrit le scénario, a-t-il poursuivi. Un scénario mettant en vedette une déréglementation complète, un abandon de la surveillance, une cupidité exubérante par le truchement de primes salariales et une irresponsabilité en matière de gestion monétaire de base. De telle sorte qu'Alan Greenspan (ancien président de la Réserve fédérale américaine) a créé trois bulles énormes d'affilée: la crise financière asiatique (1997), la crise technologique (2000-01) et la soi-disant crise des hypothèques à risque. Tout cela nous a mené au désastre.»

Pire encore, les citoyens ordinaires sont devenus insensibles au sort des pauvres, a déploré Jeffrey Sachs. «On a remis les clés du pouvoir aux gens dotés de vastes richesses, qui ont pris la liberté de ne pas tenir compte du reste de la société», a-t-il dénoncé.

Au-delà d'Obama

Comme bien d'autres, M. Sachs fonde de grands espoirs sur le nouveau président américain, Barack Obama. Après tout, son secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, ne vient pas des grandes institutions financières, même si le chef de cabinet de M. Geithner, Mark Patterson, est un ancien lobbyiste de la banque Goldman Sachs.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas compter démesurément sur les politiciens pour se sortir du marasme actuel: chaque citoyen doit faire sa part, a prévenu le professeur.

Une chose est sûre, cependant: il faut s'activer rapidement à «re-réglementer» le système financier américain et du reste du monde.

Aux yeux de Jeffrey Sachs, le plan de relance de l'administration Obama est mal engagé à certains égards. «Je n'ai pas aimé, par exemple, les baisses d'impôts, parce que je ne pense pas que nous pouvons nous passer de revenus fiscaux en ce moment, a-t-il expliqué en entrevue. Je préférerais qu'on garde ces sommes pour accroître l'aide internationale.»

L'économiste se réjouit cependant de l'intention de Washington d'investir massivement dans le développement de sources d'énergies plus écologiques, dans le transport en commun, en éducation et dans les soins de santé. De telles initiatives sont susceptibles, d'après lui, de renforcer les fondations de l'économie américaine et, par ricochet, de l'ensemble de la planète.