Bernard Madoff vient probablement de vivre sa dernière journée en liberté hier.

Après avoir enregistré son plaidoyer de culpabilité, le financier new-yorkais est sorti du palais de justice les menottes aux poignets en route vers son nouveau domicile - le Metropolitan Correction Center de Manhattan. Il mourra vraisemblablement derrière les barreaux.

Bernard Madoff sera emprisonné jusqu'à la détermination de sa peine le 16 juin prochain. Selon le professeur de droit Stéphane Rousseau, le financier new-yorkais devrait être condamné au minimum à 25 ans d'emprisonnement ferme - une peine dans la lignée de celles imposées à Jeffrey Skilling, ex-PDG d'Enron, et Bernard Ebbers, ex-PDG de WorldCom. Selon ce scénario, Bernard Madoff, 70 ans, ne sortirait pas de prison avant ses 95 ans.

 

«Si le tribunal devait imposer une peine inférieure à 25 ans, il minimiserait grandement les actes commis par Madoff et le préjudice subi par ses victimes», dit Stéphane Rousseau, professeur de droit des entreprises à l'Université de Montréal.

L'avocat criminaliste Tristan Desjardins en vient à la même conclusion. «Nous pouvons être assez certains que le juge imposera une peine d'emprisonnement supérieure à 25 ans», dit Me Desjardins, qui pratique autant en poursuite qu'en défense au cabinet Downs Lepage.

En guise de comparaison, Jeffrey Skilling (Enron) avait commis des délits d'initiés pour 60 millions de dollars et Bernard Ebbers (WorldCom) avait orchestré une fraude comptable de 11 milliards. Bernard Madoff, lui, a été condamné pour une fraude de 64,8 milliards - une somme qui aura son importance lors de la détermination de la peine. «C'est le critère le plus frappant pour le public comme pour un juge car c'est le montant de la fraude qui détermine le préjudice subi», dit Me Desjardins.

D'autres aspects de l'affaire Madoff militent en faveur d'une peine d'emprisonnement record pour un crime financier. «En plus du montant de la fraude, il y a l'aspect de l'abus de confiance, dit Stéphane Rousseau. Madoff allait chercher des clients grâce à ses relations personnelles. Il a aussi fraudé beaucoup d'organismes philanthropiques, un aspect de ses crimes qui a choqué bien des gens.»

Stéphane Rousseau doute toutefois que le juge Denny Chin se permette d'imposer une peine sensationnelle - 50 ans de prison, par exemple. En théorie, le juge Chin pourrait se rendre jusqu'à 150 ans d'emprisonnement. «Il y a toujours un courant de pensée dans le milieu juridique qui reste sceptique par rapport au rôle de la peine en matière de fraude financière, dit Stéphane Rousseau. Ce courant de pensée reconnaît que les crimes financiers doivent être punis, mais pas plus sévèrement que les crimes contre la personne non plus.»

 

Deux ans et quatre mois au Canada

S'il avait été condamné au Canada, combien de temps Bernard Madoff passerait-il derrière les barreaux? Deux ans et quatre mois. Rien à voir avec les 25 ans d'emprisonnement dont il pourrait être passible aux États-Unis. «La peine d'emprisonnement maximale pour les crimes qu'il a commis est de 14 ans au Canada, dit Me Tristan Desjardins. Il est très peu fréquent qu'on s'approche du maximum, mais l'affaire de Madoff le justifierait probablement.» L'ennui pour les victimes de Madoff, c'est que le financier serait admissible à une libération conditionnelle au sixième de sa peine - soit deux ans et quatre mois. Aux États-Unis, les juges ont le pouvoir d'ordonner des peines d'emprisonnement fermes - donc sans possibilité de libération - en matière de crimes économiques.