«En prison, oui en prison ! et pas dans une geôle de luxe!» Pour Judith Welling, éditrice new-yorkaise à la retraite qui a perdu «des millions» dans la fraude Madoff, le juge a pris jeudi la décision qui s'imposait, et elle veut maintenant que «les complices soient démasqués».

Comme des dizaines d'autres victimes présentes au tribunal fédéral du sud de Manhattan, Mme Welling, 70 ans, et son époux Dwitt Clinton Baker III, 84 ans, sont venus écouter la déposition de Bernard Madoff.

L'homme d'affaires aux cheveux gris, vêtu d'un costume sombre, se lève et répond d'une voix monocorde aux questions du juge Denny Chin qui lui demande s'il n'a pas pris de substances hallucinogènes durant les dernières 24 heures et si son esprit est clair: «non votre Honneur, oui votre Honneur».

Après avoir assuré qu'il connaît «toutes les conséquences» de sa décision, Bernard Madoff plaide coupable des onze chefs d'inculpation, qui vont de la fraude sur titres aux fausses déclarations sur l'honneur en passant par le blanchiment d'argent.

Puis, demandant «pardon à tous» et se disant «profondément désolé», il entame pendant dix minutes le récit détaillé de sa machination décennale, qui porte selon ses estimations sur 50 milliards de dollars.

«Je n'ai jamais investi aucune somme dans des achats de titres», «j'ai utilisé les fonds déposés par les investisseurs pour payer d'autres clients», dit-il.

«C'est accablant», murmure Judith Welling. «Si le juge ne l'envoie pas en prison aujourd'hui il va y avoir une émeute, et nous allons y prendre part».

«Dans les années 1992-94 nous avons investi progressivement (chez Madoff) 1,5 million de dollars essentiellement pour ma mère qui était veuve et n'avait pas beaucoup d'argent», raconte Mme Welling.

«Madoff était quelqu'un en qui nous pouvions avoir confiance, il avait été un des dirigeants du Nasdaq (la Bourse électronique de New York), et puis on ne nous promettait pas 46% comme certains l'ont écrit, mais 10-12%».

«Ma mère, qui avait un compte joint avec moi, a retiré quelques petites sommes et c'est tout. Mais durant toutes ces années nous avons payé des impôts sur les prétendus rendements des titres, alors que nous ne reverrons jamais l'argent !», s'indigne-t-elle

Intervenant à la barre, Ronnie Sue Ambrosino, qui dirige un groupe d'environ 300 victimes, conteste l'absence de procès qu'entraîne le fait d'avoir plaidé coupable. «Nous voulons un procès, nous voulons entendre les victimes, nous voulons montrer au monde qu'aucun homme n'est au dessus de la loi et que les crimes sont punis, mais nous voulons aussi savoir où est notre argent!», s'exclame-t-elle, approuvée par un petit groupe présent dans la salle.

Des ricanements accueillent la demande de l'avocat de l'homme d'affaires, Ira Lee Sorkin, d'une prolongation de l'assignation à résidence pour son client. «Il ne présente aucun danger de fuite, il a plaidé coupable et reconnaît tous ses délits, il n'a pas enfreint les consignes depuis son arrestation», plaide-t-il.

«Bouh ! en prison!», entend-on ça et là. «Il faut que le gouvernement demande l'incarcération!"

Le juge Denny Chin déclare alors: «Je n'ai pas besoin d'entendre le gouvernement. La liberté sous caution est révoquée. L'accusé est placé en détention». Un policier vient alors passer les menottes à Bernard Madoff.

«Il y a certainement d'autres personnes impliquées, il ne peut pas avoir fait ça tout seul», conclut Mme Welling, qui contrairement à d'autres, n'est pas spoliée. «Nous avons de quoi vivre», assure-t-elle.