Au Québec, les communautés touchées par la future ligne de transport qui permettra d'acheminer de l'électricité vers le Massachusetts ne peuvent pas s'attendre de la part d'Hydro-Québec à des compensations du même ordre que les 170 millions qu'elle a accepté de verser à l'État du Maine. Explications.

Deux univers différents

Au Québec, le propriétaire de la portion de 100 km de cette ligne de transport est une société d'État dont les profits sont versés au gouvernement, souligne Lynn St-Laurent, conseillère stratégique d'Hydro-Québec. « Au Québec, nous avons fait le choix de développer collectivement nos ressources et ce choix fait en sorte que les revenus générés par la vente de notre énergie propre reviennent à l'ensemble des Québécois. »

Aux États-Unis, la ligne de 233 km sera la propriété du partenaire d'Hydro-Québec, Central Maine Power. Cette entreprise privée, filiale d'un grand groupe international, ne jouit pas d'une grande cote d'amour dans l'État, selon les comptes rendus des journaux locaux. Le Maine, où le prix de l'électricité est très élevé, servira de passage pour la future ligne vers le Massachusetts. Un exemple des frustrations des consommateurs d'électricité du Maine : un élu local vient de proposer la nationalisation de Central Maine Power et d'Emera, les deux entreprises d'électricité qui desservent l'État.

Une exception

Hydro-Québec a accepté pour la première fois de débourser de l'argent pour indemniser un État américain et convaincre ses citoyens de ne pas s'opposer au projet de ligne de transport. Son projet précédent de ligne qui devait traverser le New Hampshire, et qui ne prévoyait pas de contribution de la part d'Hydro-Québec, a été rejeté par les citoyens de cet État.

La société d'État s'est engagée à verser un total de 170 millions US à l'État du Maine.

Engagements pris par Hydro-Québec : 

Versement de 3,5 millions US par année pendant 40 ans pour la réduction des tarifs d'électricité du Maine

Contribution de 10 millions US à un fonds pour l'électrification des transports

Contribution de 10 millions US pour le déploiement de fibre optique

Contribution de 10 millions US pour la conversion du chauffage au mazout à l'électricité

Trop ou pas assez ? 

Selon Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et spécialiste en énergie, ce genre de projet demande beaucoup d'effort de persuasion des communautés. « Pour la construction de pipelines, il n'est pas rare de voir les promoteurs payer des sommes à des parties prenantes pour "faciliter" les choses », dit-il.

Dans le cas précis du projet Maine-Appalaches, il a tendance à penser qu'Hydro-Québec a fait les bons calculs pour s'assurer de la rentabilité du projet, même en dépensant 170 millions de plus que prévu.

« Est-ce trop payer ? Peut-être, dit-il. La pression du gouvernement pour augmenter les exportations met Hydro-Québec dans une position de faiblesse et pourrait la pousser à agir trop rapidement, simplement pour atteindre son objectif de doubler les revenus - sans que ce soit le plus rentable. »

Au Québec

Pour la portion québécoise de la ligne Appalaches-Maine, longue d'une centaine de kilomètres, 11 municipalités sont touchées. Elles ont droit à une compensation d'Hydro-Québec en vertu d'un programme qui existe depuis 34 ans, le Programme de mise en valeur intégrée.

Il s'agit d'une somme de 43 000 $ par kilomètre de ligne qui traverse le territoire. L'argent doit servir à des projets précis, comme une piste cyclable ou un terrain de jeu. « L'idée n'est pas de signer un chèque, mais de contribuer à des projets collectifs », explique Pascal Vignon, conseiller en environnement chez Hydro-Québec.

C'est la ville de Frontenac, en Estrie, qui recevra la plus longue portion de la future ligne, soit 16,3 km. Selon le maire Gaby Gendron, il y a beaucoup d'intérêt de la part des citoyens pour obtenir du financement pour des projets. « Le téléphone a déjà commencé à sonner », dit-il.

En plus d'une compensation versée aux municipalités, Hydro-Québec dédommage les propriétaires des terres traversées par la ligne de transport.

Compensations offertes au Québec : sommes forfaitaires

Nouvelle ligne de transport : 

33 000 $ par kilomètre ou 43 000 $ par kilomètre, selon la tension

Nouveau poste : 

De 150 000 $ à 1 million, selon la superficie au sol

Plus

Somme forfaitaire aux propriétaires des terres traversées par la ligne : 

Négociations au cas par cas, basées sur un cadre de référence négocié avec l'Union des producteurs agricoles pour les milieux ruraux

Un projet de 950 millions US

Le coût de la nouvelle ligne de transport est estimé à 950 millions US. Au Québec, elle parcourra une centaine de kilomètres entre Saint-Adrien-d'Irlande et la frontière du Maine. Sa mise en service est prévue en 2022.