L'agrandissement de l'oléoduc Trans Mountain comporte des « avantages considérables », estime l'Office national de l'énergie (ONE), et ce projet doit aller de l'avant parce qu'il est dans l'intérêt public même s'il entraînera des effets environnementaux « négatifs importants » sur la population d'épaulards.

Dans un rapport fort attendu publié hier, l'ONE recommande donc pour une deuxième fois au gouvernement fédéral qu'il donne son feu vert au projet, même si l'organisme convient que les émissions de gaz à effet de serre découlant de la capacité accrue de transport de l'oléoduc seraient vraisemblablement importantes.

Parmi les « avantages considérables » relevés, l'ONE souligne l'accès à de nouveaux marchés pour le pétrole canadien - une demande pressante de l'Alberta - , la création d'emplois partout au pays, les dépenses directes engagées au Canada à l'achat des matériaux nécessaires pour les travaux d'agrandissement de l'oléoduc de même que les recettes fiscales substantielles pour les divers ordres de gouvernement.

UN NOUVEL EXAMEN 

L'automne dernier, le gouvernement Trudeau avait demandé à l'ONE de mener un nouvel examen de ce projet controversé, après que la Cour d'appel fédérale eut annulé le décret qui autorisait le début des travaux d'agrandissement parce qu'Ottawa ne s'était pas acquitté de ses responsabilités constitutionnelles de consulter adéquatement les Premières Nations et avait omis de mener une évaluation environnementale de ce projet sur la vie marine sur les côtes de la Colombie-Britannique.

La décision du tribunal était tombée en août, le jour même où le gouvernement fédéral est devenu officiellement propriétaire du pipeline Trans Mountain, acquis au coût de 4,4 milliards de dollars de la société américaine Kinder Morgan.

Le gouvernement Trudeau a décidé d'acheter cet oléoduc construit il y a environ 60 ans, qui relie la ville d'Edmonton à Burnaby, en banlieue de Vancouver, après que Kinder Morgan eut fait savoir qu'elle abandonnait son projet d'agrandissement qui aurait triplé la capacité du pipeline à cause des démarches entreprises par le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique.

DES RISQUES JUSTIFIÉS, DIT LE RAPPORT 

L'agrandissement du pipeline entraînerait une hausse du transport maritime dans la région de Burnaby, faisant ainsi planer une plus grande menace sur la population d'épaulards, dont la survie est menacée sur les côtes de la Colombie-Britannique. 

On estime à 30 le nombre mensuel de navires pétroliers qui circuleront dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique après l'agrandissement de l'oléoduc Trans Mountain. Actuellement, cinq navires pétroliers circulent chaque mois dans ces eaux. 

« Bien qu'un déversement équivalant au pire scénario crédible causé par le projet ou un navire lié au projet soit peu probable, les effets environnementaux seraient importants lors d'un tel évènement. En dépit du fait que ces effets aient pesé lourd dans son réexamen du transport maritime connexe au projet, l'Office recommande au gouvernement du Canada de considérer qu'ils peuvent être justifiés dans les circonstances, vu les avantages considérables du projet et les mesures proposées pour réduire au minimum les incidences », peut-on lire dans le rapport.

S'il juge le projet dans l'intérêt national, l'ONE impose tout de même 156 conditions à sa réalisation. Il a aussi formulé 16 nouvelles recommandations au gouvernement fédéral, dont celle d'améliorer la préparation et l'intervention en cas d'urgence, et celle d'exiger des navires pétroliers émettant moins de gaz à effet de serre pour le transport du pétrole, entre autres choses.

« L'Office a procédé à un examen exhaustif sérieux, fondé sur la preuve et équitable du transport maritime lié au projet, en respectant le délai que lui avait prescrit le gouvernement. Il a entendu des points de vue très différents et a soigneusement examiné l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise, ce qui a donné lieu aux conditions et aux recommandations qui sont présentées dans le rapport », a indiqué Robert Steedman, spécialiste en chef de l'environnement à l'ONE.

ACCUEIL FAVORABLE À OTTAWA ET À EDMONTON 

Le ministre des Ressources naturelles, Armajeet Sohi, a accueilli favorablement le rapport de l'ONE. « Le gouvernement du Canada s'est employé énergiquement à accomplir tout le travail nécessaire pour faire progresser le projet TMX de la bonne façon en suivant les directives données par la Cour d'appel fédérale », y compris les consultations avec les Premières Nations, a-t-il affirmé dans un communiqué de presse.

Il a dit avoir bon espoir que le gouvernement Trudeau sera en mesure de prendre une décision dans un délai requis de 90 jours après le dépôt du rapport de l'ONE.

La première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, a aussi salué les conclusions de l'ONE, soulignant toutefois que « beaucoup de travail reste à faire » avant d'entreprendre les travaux d'agrandissement de l'oléoduc.

UNE « ÉVALUATION BIAISÉE »

Le Nouveau Parti démocratique (NPD), le Parti vert et les groupes environnementaux ont vivement dénoncé les conclusions de l'ONE, soutenant que les dés étaient pipés.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a exigé que le gouvernement Trudeau abandonne le projet d'agrandir le pipeline. « Le gouvernement libéral de Justin Trudeau aime bien faire des discours sur sa volonté de combattre les changements climatiques. Il est temps de passer de la parole aux actes. Encore une fois, je demande au gouvernement Trudeau d'abandonner l'expansion de Trans Mountain, de réformer en profondeur le processus d'examen de l'ONE et d'enfin respecter sa promesse de faire de sa relation avec les peuples autochtones sa plus importante relation », a-t-il dit.

« Cette évaluation était biaisée, tronquée et répétait les erreurs de la première évaluation par l'ONE. De fait, elle était conçue pour donner une réponse prédéterminée. L'ONE a reconnu que le projet en question aurait "des effets environnementaux négatifs importants" [...], mais il l'a quand même approuvé. Cette décision ouvre la voie à un éventail de nouvelles contestations judiciaires », a affirmé Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace Canada.