C'est finalement une cagnotte de 170 millions US qu'Hydro-Québec mettra sur la table si le Maine accepte qu'une ligne de transport devant acheminer de l'hydroélectricité au Massachusetts traverse son territoire.

Advenant que le projet obtienne le feu vert, la société d'État s'engage à verser une redevance annuelle non indexée de 3,5 millions US pendant 40 ans - soit 140 millions US - puisée à même les revenus générés par le New England Clean Energy Connect (NECEC).

Cela s'ajoutera à une enveloppe de 30 millions US visant à financer un réseau internet à large bande, à la mise sur pied d'un réseau de bornes de recharge et à offrir des subventions aux acheteurs de thermopompes.

Les détails figurent dans le projet d'entente entre Central Maine Power (CMP) et les parties touchées, comme des municipalités, des groupes environnementaux ainsi que des acteurs du milieu économique, par ce projet réalisé en collaboration avec Hydro-Québec.

Au terme de négociations, le document a été déposé jeudi auprès de la commission des services aux collectivités du Maine, qui devra rendre sa décision, en principe d'ici le printemps, en tenant compte de ces nouveaux éléments.

« Ce que nous avons compris, c'est que (les autorités) désiraient des retombées économiques pour l'État », a expliqué un porte-parole d'Hydro-Québec, Serge Abergel, au cours d'un entretien téléphonique.

Le projet d'entente est signé par neuf intervenants locaux, dont l'organisme de défense de l'environnement Conservation Law Foundation, le Protecteur du citoyen de l'État, l'Association des consommateurs industriels d'énergie ainsi que la Chambre de commerce du Maine.

La nouvelle gouverneure Janet Mills, qui était demeurée plutôt silencieuse, a également manifesté son appui.

« Ce projet, s'il est éventuellement autorisé, mettra notre État et notre région sur la voie d'une économie sans carbone d'ici 2050 », a-t-elle fait valoir dans un communiqué publié jeudi.

À Québec, le premier ministre François Legault a estimé que la nouvelle mouture du projet était une « excellente nouvelle », sans se formaliser des sommes qui seront éventuellement versées par Hydro-Québec.

Interrogé, il a rappelé que la province disposait d'importants surplus et que le contrat avec le Massachusetts représentait environ la moitié de la capacité excédentaire de la société d'État.

« Cela veut dire [...] que l'on pourrait exporter tous les surplus d'Hydro-Québec éventuellement et peut-être avoir besoin d'une capacité additionnelle, a dit M. Legault. Donc, dans le sens de mon projet d'alliance énergétique, c'est une excellente nouvelle. »

Beaucoup d'argent

Au total, Hydro-Québec et CMP ont offert des incitatifs supplémentaires d'environ 258 millions US - dont 170 millions US proviendront de la société d'État.

Les opposants au NECEC font valoir qu'il serait néfaste pour de vastes étendues sauvages et ne profiterait guère aux résidants du Maine. En sol américain, la facture du projet est estimée à 950 millions US et le tracé de 233 kilomètres doit passer par le Maine.

Conscient de la résistance, le président-directeur général d'Hydro-Québec, Éric Martel, s'était néanmoins montré satisfait des efforts déployés par la société d'État, mercredi, à l'occasion du dévoilement des résultats annuels.

« On ne peut pas juste passer chez eux (au Maine), avait-il dit. Nous avons travaillé avec eux et je pense que nous avons (proposé) des solutions extrêmement intéressantes. »

Contrat payant

Hydro-Québec mise sur cette ligne, dont la mise en service est prévue en 2022, pour acheminer 9,45 térawattheures d'hydroélectricité par année pendant 20 ans au Massachusetts dans le cadre d'un contrat dont les revenus sont estimés à 10 milliards US.

La redevance annuelle de 3,5 millions US versée au Maine sera destinée à un fonds visant à atténuer l'impact des hausses tarifaires. Selon les calculs de la société d'État, en dollars actualisés, les incitatifs représentent environ 65 millions US.

De plus, Hydro-Québec estime qu'il n'y a pas d'enjeu à verser cette redevance advenant que le Massachusetts choisisse de ne pas reconduire son entente après 20 ans, ce qui priverait la société d'État d'un contrat ferme. Un tel scénario obligerait cette dernière à se tourner vers le marché des enchères, où les prix et volumes peuvent varier en fonction de la demande.

« Cela se fait et c'est possible parce que c'est rentable pour nous », a dit M. Abergel.

Il a dit être conscient qu'Hydro-Québec pourrait être interpellée dans la province pour offrir des mesures similaires alors qu'elle travaille à définir son tracé pour la portion québécoise. Il a toutefois ajouté que certaines des initiatives proposées au Maine, comme le réseau de bornes, existaient déjà au Québec.

À venir

Aux États-Unis, le NECEC doit encore obtenir une série d'autorisations, dont son permis présidentiel.

En territoire québécois, Hydro prévoit un tracé d'environ 100 kilomètres entre le poste des Appalaches, situé à Saint-Adrien-d'Irlande près de Thetford Mines, dans la région de Chaudière-Appalaches, et un point de raccordement à la frontière avec le Maine.