Les surplus d'électricité qui s'accumulent et les réservoirs qui débordent coûtent cher à Hydro-Québec, qui doit laisser couler l'eau de ses installations plutôt que de la transformer en électricité. Le manque à gagner de ces déversements massifs pour cette année seulement : 500 millions de dollars.

Ce sont les revenus qui auraient été encaissés si Hydro avait pu exporter ce qui a été déversé cette année, soit 10 térawattheures (10 milliards de kilowattheures).

C'est du jamais-vu, selon l'analyste en énergie Jean-François Blain. « À 5 cents le kilowattheure [le prix moyen obtenu sur les marchés d'exportation], ça fait un demi-milliard [de dollars] de flushés en une seule année », constate-t-il.

L'an dernier, ce spécialiste en énergie avait déjà constaté une augmentation importante du niveau d'eau dans les réservoirs d'Hydro-Québec et prévu plus de déversements. Pour la première fois l'an dernier, Hydro avait dû ouvrir les vannes de Manic-5 et de plusieurs autres réservoirs du Nord parce qu'ils étaient pleins à ras bord.

PIRE QU'EN 2017

C'est encore pire cette année. C'est le président-directeur général d'Hydro-Québec lui-même, Éric Martel, qui a révélé que l'entreprise avait dû laisser couler l'équivalent de 10 térawattheures.

« Cette année, on a déversé de très, très grandes quantités d'eau, a-t-il dit à Radio-Canada. On parle de 10 térawattheures environ. C'est ce qu'on va vendre au Massachusetts. Ça peut alimenter 1 million de maisons pour une année. »

Ce n'est pas le type de renseignements qu'Hydro rend publics d'habitude. Interrogé récemment à ce sujet, le vice-président, finances, Jean-Hugues Lafleur, avait refusé de donner un chiffre précis sur les déversements, se contentant de dire que ça représentait « plusieurs térawattheures ».

Hydro est obligée de laisser couler l'eau pour deux raisons, explique le porte-parole Serge Abergel.

« D'une part, on a une très bonne hydraulicité [les précipitations sont abondantes dans la partie nord du Québec] et, d'autre part, nos réservoirs sont pleins à ras bord. » - Serge Abergel

Selon lui, le coût de ces déversements d'eau peut effectivement être estimé à un demi-milliard, mais il s'agit plus d'un manque à gagner que d'une perte pour Hydro-Québec.

LES SOLUTIONS

Hydro-Québec envisage plusieurs avenues pour réduire ses surplus, la première étant d'arrêter d'acheter de la production privée de nouveaux projets éoliens comme celui d'Apuiat. Hydro achète déjà actuellement quelque 10 térawattheures d'énergie éolienne dont elle n'a pas besoin.

Le contrat conclu avec le Massachusetts l'aidera aussi à réduire ses surplus, mais il est conditionnel à la construction d'une nouvelle ligne de transport sur le sol américain.

L'entreprise compte aussi sur les cryptomonnaies, qui pourraient consommer jusqu'à 6 térawattheures, selon les estimations soumises à la Régie de l'énergie.

L'augmentation des ventes à l'Ontario est aussi dans les cartons. Avec la capacité actuelle des interconnexions entre les deux provinces, le Québec pourrait vendre 10 térawattheures d'électricité à l'Ontario, soit l'équivalent de l'eau déversée cette année.

Malgré les efforts du premier ministre François Legault pour lui faire une offre qu'il juge impossible à refuser, l'Ontario ne s'est pas montré très réceptif.

Selon Jean-François Blain, c'est assez facile à comprendre. D'abord, l'Ontario a aussi des surplus d'électricité et, ensuite, « ils sont dans la même logique que tous les gouvernements. Ils vont préférer utiliser leur secteur de l'énergie pour créer de l'emploi localement plutôt que de dépendre d'une autre province », estime-t-il.