Le prix du bois d'oeuvre a chuté à l'automne encore plus vite qu'il n'avait grimpé au cours de l'été, ce qui n'empêche pas les entreprises québécoises d'investir dans la modernisation de leurs installations.

Les tarifs américains et les incertitudes au sujet de la demande de bois d'oeuvre québécois au sud de la frontière n'ont pas empêché Cédrico, par exemple, d'annoncer la semaine dernière des investissements de 26 millions de dollars dans ses installations de Price et de Causapscal. Produits forestiers Résolu, de son côté, a lancé un programme de modernisation de plus de 40 millions de ses scieries en Abitibi, en Mauricie et au Lac-Saint-Jean.

« Ce sont des investissements qui devaient être faits depuis longtemps pour augmenter la productivité des scieries », explique Michel Vincent, économiste du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ).

HAUSSE FULGURANTE

Le marché du bois d'oeuvre s'est emballé l'été dernier, estime Denis Bérubé, président-directeur général de Cédrico.

« Les acheteurs américains ont eu peur de manquer de bois et ont stocké. » - Denis Bérubé

Le prix du colombage (« deux-par-quatre ») a atteint un record de tous les temps en juin dernier. Ce n'est pas seulement à cause de la demande du secteur de l'habitation, selon l'économiste du CIFQ. « Le prix est aussi le reflet de l'offre », explique-t-il.

En avril, mai et juin de cette année, la demande américaine de bois d'oeuvre canadien a été moyenne, pas extraordinaire. Les incendies de forêt dans l'Ouest et les contraintes de transport par train et par camion, en réduisant l'offre, ont aussi poussé les prix à la hausse au cours de l'été.

Les grands acheteurs de bois d'oeuvre ont commencé à s'inquiéter d'un éventuel manque de bois, des craintes exacerbées par les phénomènes climatiques, comme la fréquence des ouragans destructeurs et les incendies de forêt.

CHUTE BRUTALE

L'industrie du sciage a l'habitude des montagnes russes, mais la dégringolade rapide du prix du bois d'oeuvre entre juillet et octobre est sans précédent.

Les prix records avaient permis aux entreprises qui le pouvaient d'augmenter leur production. Ils ont aussi attiré les pays européens, Allemagne et Suède en tête, qui ont pu augmenter leurs exportations aux États-Unis avec profit. Contrairement aux producteurs canadiens, les exportateurs européens ne sont pas soumis aux tarifs imposés par le gouvernement américain.

Cet afflux de bois jumelé à un ralentissement de la demande a fini par casser le mouvement à la hausse. Les prix sont tombés à un niveau très bas en octobre.

« Ça s'est fait dans une période de six semaines. » - Denis Bérubé, PDG de Cédrico

Depuis, le prix du colombage s'est remis à augmenter. En investissant dans la modernisation et l'augmentation de la production de ses scieries, Cédrico fait preuve d'optimisme, reconnaît Denis Bérubé.

L'économiste Michel Vincent prévoit que les prix vont continuer à remonter. « C'est en train de se replacer à des niveaux plus soutenables. Le marché de la construction consomme moins de bois, mais le marché de la rénovation en consomme plus. »

DES TARIFS À DOUBLE TRANCHANT

Les entreprises qui ont bénéficié de prix en hausse pendant la première moitié de 2018 n'ont pas trop souffert des tarifs américains, qui ont pu être refilés aux acheteurs. Elles n'ont pas eu besoin de l'aide gouvernementale qui devait les aider à passer à travers la tempête tarifaire.

Ça pourrait changer. Aux États-Unis, « l'habitation montre des signes inquiétants », soulignent les plus récentes prévisions des économistes de Desjardins.

« Les mises en chantier se maintiennent, mais cette augmentation n'est pas très forte. Le reste de l'économie américaine va super bien, alors on s'attendrait à ce que ça augmente plus rapidement », explique Francis Généreux, économiste principal de Desjardins.

Les ménages américains ont moins les moyens d'accéder à la propriété, à cause de l'augmentation des taux d'intérêt américains, qui ont augmenté plus vite aux États-Unis qu'au Canada.

4,95 %

Taux d'intérêt moyen sur un prêt hypothécaire de 30 ans aux États-Unis, du jamais-vu depuis 2011

La hausse des taux d'intérêt ralentit le secteur de la construction, confirme Francis Généreux, mais le prix des maisons a aussi augmenté, si bien que l'accessibilité à la propriété a diminué aux États-Unis.

Les tarifs sur le bois d'oeuvre canadien ont contribué à faire augmenter le prix des maisons construites aux États-Unis.

Selon la National Association of Home Builders, le regroupement des constructeurs de maisons, les tarifs sur le bois d'oeuvre canadien ont fait augmenter le prix moyen d'une maison neuve de 9000 $US.

Desjardins prévoit que les mises en chantier aux États-Unis augmenteront un peu plus rapidement en 2019, à 1,3 million. Ça reste encore modeste, si on pense qu'en 2005, il y avait eu 2 millions de mises en chantier.