Les dépenses et la production du secteur canadien du pétrole et du gaz naturel ne devraient pas connaître de croissance d'ici à ce que de nouvelles possibilités s'offrent aux entreprises pour acheminer leurs produits vers les marchés d'exportation, a estimé mardi un analyste du secteur de l'énergie.

Selon Jon Morrison, de la Banque CIBC, les importants rabais consentis à la production de pétrole lourd et léger au Canada, par rapport aux prix de référence américains, ne devraient pas se résorber de sitôt. Cette situation prive les producteurs de l'argent nécessaire pour accroître leurs budgets de forage.

Le rapport de l'analyste est de mauvais augure pour le secteur des services énergétiques canadien, alors que l'industrie entre dans la saison de forage hivernale. Cette période est traditionnellement la plus occupée de l'année, puisque le sol gelé offre un meilleur accès à certains sites.

« Nous croyons que cette réalité commencera à peser dans les budgets de dépenses en immobilisations de 2019, et qu'un certain nombre de producteurs sont susceptibles de reporter la publication de leurs prévisions officielles au mois de janvier. En outre, nous pensons que beaucoup d'entre eux annonceront probablement des programmes de développement ne montrant qu'une croissance de production faible, voire nulle », affirme M. Morrison dans son rapport.

La publication de ce rapport survient alors que le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Mohammad Barkindo, exhortait mardi les membres du cartel à augmenter leurs investissements pour se préparer à la demande future, alors que la capacité de production de pétrole disponible diminue dans le monde entier.

Dans un message affiché sur le site web de l'OPEP, M. Barkindo a indiqué que le secteur pétrolier mondial devrait investir 11 000 milliards  US d'ici 2040 pour répondre à la demande mondiale à venir.

« Problème sans précédent »

Toutefois, pendant que les prix mondiaux du pétrole ont atteint récemment des sommets de quatre ans en raison de la possibilité de sanctions américaines contre l'Iran, les prix du pétrole canadien ont suivi une tendance inverse. La nouvelle production canadienne a inondé les pipelines pendant que la demande américaine chutait temporairement en raison des interruptions de maintenance des raffineries.

« Le Canada fait face à un immense problème de pipeline sans précédent », a observé M. Morrison. « Et bien que nous sachions que ce problème se prépare depuis des années, la pression dans le système ne cesse de croître et la situation devrait rester mauvaise pendant un certain temps. »

Selon Net Energy Group, l'écart entre le prix du mélange de bitume Western Canada Select (WCS) et celui du baril de West Texas Intermediate (WTI) de New York a été en moyenne de 45,50 $ US ce mois-ci. La différence entre le prix du Edmonton Sweet et le WTI a été d'environ 27 $ US.

La semaine dernière, l'écart entre le WCS et le WTI s'est creusé à plus de 52 $ US par baril. L'analyste Matt Murphy, de Tudor Pickering Holt & Co., a alors calculé que les producteurs de bitume perdaient de l'argent sur chaque baril vendu, puisque le prix du pétrole léger utilisé pour diluer le brut coûtait davantage que ce que leur rapportait un baril.

Aux yeux de l'analyste de la CIBC, l'Ouest canadien n'aurait toujours pas la capacité de pipeline nécessaire même si le pipeline de remplacement de la canalisation 3 d'Enbridge était achevé d'ici 2020. Ce projet en particulier devrait augmenter la capacité du réseau de 370 000 barils par jour.

Il prédit que la situation à court terme s'améliorera - mais pas suffisamment pour permettre une croissance de l'activité - si les exportations de pétrole brut par rail doublent, comme il s'y attend, pour atteindre le niveau record de 450 000 barils par jour d'ici la fin de cette année.

En outre, les conditions météorologiques exceptionnellement humides en Alberta en septembre devraient se traduire par de plus faibles résultats du troisième trimestre pour les sociétés de services des champs pétroliers, a poursuivi M. Morrison.

L'utilisation d'appareils de forage canadiens au cours du trimestre clos le 30 septembre était d'environ 32 %, ce qui était supérieur à celle de 28,5 % de la même période l'an dernier, a précisé l'analyste. Le nombre de jours d'exploitation était pour sa part supérieur d'environ 9 %.